Littérature Jeunesse Libre (2)

Par Catherine Chahnazarian

Pour me changer les idées, j’ai refait un petit tour sur ce site où, comme je dis toujours, il y a à boire et à manger, et j’ai découvert…

L’éveil de la forêt, une oeuvre inventive d’une poésie absolument charmante sur le soleil, les nuages, la nature. De très beaux dessins assortis de petits textes métaphoriques dont voici un avant-goût :

Et comme l’art est partout, je vous recommande aussi ce travail mêlant objets et dessin, qui peut donner des idées à des enfants peut-être un peu désoeuvrés pendant les vacances.

Un de mes préférés :

Parlant de vacances… Rendez-vous l’année prochaine pour de nouveaux articles !

Joyeux Noël, Bon bout d’an et déjà Bonne année 2026 !

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Liens : Littérature Jeunesse Libre ; une précédente sélection de petits ouvrages.

Le journal d’un prisonnier

Mini-série Best-sellers
Essais, Histoire…
Par Catherine Chahnazarian

Quand j’ai ouvert ce blog avec des amis, j’ai établi quelques règles. Notamment, nos articles ne dépasseraient pas 2.500 signes, espaces compris, et on éviterait de polémiquer sur des sujets glissants. À la lecture du Journal d’un prisonnier, j’avais trop à dire pour rester dans le volume imparti et trop de remarques sur la forme et sur le fond, sur la personnalité de l’auteur, sur l’effarement de devoir reconnaître que c’était le même qui avait dirigé la France. Je ne m’en sortais pas dans ma critique du livre, alors j’ai abandonné. Pas le livre, que j’ai lu jusqu’au bout, mais d’en faire une critique précise. Je me suis dit : restons modeste et prudente. Disons simplement que peut-être que son électorat féminin tombe à genoux devant le récit de son malheur ; peut-être que son camp politique n’a pas honte de ses fréquentations ; que ses avocats ne sont pas gênés de sa défense simpliste ; que ses psychiatres ne sont pas inquiets de tout cet amour qu’il voit partout, lui le « symbole » de la droite qui n’a « de compte à régler avec personne » bien que son livre évoque Règlements de comptes à O.K. Corral… Houla, ça y est, ma phrase s’allonge, je m’emballe. Disons simplement : peut-être.

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Nicolas Sarkozy
Le journal d’un prisonnier
2025

Terre des Hommes

Mini-série Best-Sellers
Redécouvertes
Littérature française
Par Catherine Chahnazarian

Récemment réédité avec des illustrations de Riad Sattouf, le livre ne figure pas par hasard parmi les meilleures ventes. La force de persuasion de Gallimard est toujours impressionnante mais Saint-Exupéry reste un auteur mythique et Terre des Hommes un des livres les plus célèbres de la littérature française.

Franchement, j’adore cette édition. Les dessins sont merveilleux, évoquent Saint-Ex sans l’imiter, illustrent avec justesse et émotion les récits du célèbre aviateur. Car, pour ceux qui ne connaîtraient pas Terre des Hommes, ce sont des témoignages que nous livre là un casse-cou des débuts de l’aviation, du temps où, sur son siège, le pilote était à l’air libre, emmitouflé comme il le pouvait contre le froid, la pluie, la neige, avec une casquette et des lunettes pour couper le vent. Il n’y avait pas de radars et d’instruments de navigation comme aujourd’hui, on repérait les routes en mémorisant les vallées et les montagnes et, la nuit, on se fiait aux étoiles. Entre pilotes, on se passait les bons tuyaux et, lorsque l’un d’eux ne rentrait pas, on partait à sa recherche sans moyens.

La langue de Saint-Exupéry n’est évidemment plus tout à fait la même que la nôtre. Elle est plus savante et l’auteur a du goût pour les formes littéraires, cela peut peut-être déconcerter les jeunes, mais accrochez-vous, cela en vaut la peine. Notamment pour les aventures de Guillaumet…

Voilà un beau cadeau à offrir pour Noël !

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Antoine de Saint-Exupéry
Terre des Hommes

Gallimard
1939-2025

Taormine

Littérature française
Par Catherine Chahnazarian

J’ai pris Taormine un peu au hasard dans le rayon poches d’une librairie qui en proposait beaucoup du même auteur. J’ai ainsi découvert qu’Yves Ravey avait écrit un grand nombre de romans, tous courts à en croire le rayon, et j’avais justement envie d’une lecture qui occuperait simplement mon week-end. À part la démarche (parce que j’ai lu les deux premières pages dans la librairie) consistant à écrire au « je » et au passé composé, comme s’il était définitivement acté que le niveau des lecteurs s’arrête là, il m’a semblé que Taormine pourrait être divertissant. Et oui, c’est divertissant – sans être trop léger.

Tout au long de cette courte lecture, j’avoue avoir un peu râlé. D’abord, le narrateur aurait pu être drôle et ne l’est pas, mais c’est finalement un parti-pris qui se défend tout-à-fait. Ensuite, je n’ai pas réussi à bien cerner et me représenter ses deux personnages principaux – lui et sa femme – mais ça fonctionne quand même. Je me suis laissée embarquer par un suspense qui débute très vite : un couple arrive en Sicile pour une semaine de vacances ; ils prennent une voiture de location ; ils quittent l’autoroute dès qu’ils voient le premier symbole « plage »… et ça y est, tout foire. J’ai continué à râler un peu, mais je voulais absolument finir ce livre, parce que je voulais savoir ce qui allait se passer, et parce que je ne comprenais pas ce que je voyais comme une faiblesse : cet humour trop intériorisé par rapport au genre je-suis-con-et-je-raconte-dans-le-menu-détail-les-conneries-que-je-fais.

Et c’est comme ça que je suis arrivée à la chute, qui est formidable. Bravo, monsieur Ravey, c’est bien shooté !

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Yves Ravey
Taormine
Les Éditions de Minuit
2022/2024

Voir aussi l’article de Marie-Hélène Moreau sur Trois jours chez ma tante, du même auteur.

Le Ministère de la Peur

Catégorie : Redécouvertes
Par Catherine Chahnazarian

Roman d’espionnage, Le Ministère de la Peur, publié pour la première fois en 1943 et retraduit tout récemment, a pour décor le blitz de Londres — bombardements, abris souterrains, ruines fumantes. À partir de là se déclinent la peur, la méfiance et la trahison. Mais Graham Greene livre surtout un roman psychologique. Le personnage principal, Arthur Rowe, est en proie à des sentiments qui peuvent sembler paradoxaux au regard des événements de sa vie, sentiments que l’auteur explique et déroule avec précision : empathie, pitié, culpabilité, rapports à la justice, à l’enfance et au bonheur. Passionné de psychologie criminelle et influencé par la psychanalyse et le surréalisme (l’une ayant inspiré l’autre, notamment dans le travail sur le rêve), Graham Greene joue sur des ambigüités de langage et de comportement pour nous faire douter de ce que nous comprenons au plan narratif, et sur la complexité de l’esprit humain, de la conscience et de l’inconscient pour donner corps à son personnage.

La postface, bien que manquant un peu de modestie ou d’habileté, m’a convaincue de l’intérêt de cette nouvelle traduction. Quelques fautes d’orthographe et mots incongrus m’ont semblé d’autant plus regrettables, mais l’intrigue pour le moins… intrigante m’a tenue en haleine jusqu’à la fin du livre, même si j’ai trouvé l’épilogue un peu démodé.

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Graham Greene
Le Ministère de la Peur
Flammarion
2025

Une vraie mère… ou presque

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Liitérature française
Par Catherine Chahnazarian

Didier van Cauwelaert, un Niçois au nom et à l’humour belge, harmonieux mélange d’énergie et d’inventivité, a un fameux palmarès. À 65 ans, il a signé 50 livres dont une grande majorité de romans, et reçu 17 prix dont un Goncourt. Et Pierre, le narrateur d’Une vraie mère… ou presque, est comme lui écrivain. Ayant écrit sur son père un livre à succès et toujours refusé à sa mère d’en écrire un sur elle, le voilà démuni, après la mort de celle-ci. Parler d’elle, finalement, pourquoi pas, mais comment aborder le sujet ? Une femme haute en couleurs avec laquelle la relation n’a pas toujours été facile, Niçoise pur jus dont il hérite de l’appartement et de la voiture, une Renault Fuego avec laquelle il se met à perdre des points… sur le permis de conduire de la disparue. Bien sûr, vient un moment où ça pose problème. Et une solution se présente en la personne d’une Niçoise tout aussi haute en couleurs que la mère de Pierre, à mi-chemin entre la folie et la manipulation, insupportable pot de colle dont on espère pour lui qu’il parviendra à se dépêtrer.

Le ton typique de l’auteur, celui de la comédie enlevée, un peu grinçante et pleine d’esprit, laissera progressivement de la place, au fil des rebondissements, à une thématique sérieuse : aux tournants de nos vies (mariages, divorces, naissances, décès…) l’auto-dérision ne suffit pas toujours, elle a besoin de l’introspection pour ne pas partir en vrille, et si Didier van Cauwelaert nous attire en nous faisant rire, il nous retient en nous touchant aussi. Le regard que nous portons sur eux se fragilise souvent au décès de nos parents, laissant place aux autres personnages qu’ils ont pu être, plus ou moins inconnus de nous, différents en tout cas de ce qu’on avait considéré jusque-là.

Un court roman (159 pages de plaisir) qui peut se lire d’une traite pour tirer le meilleur profit du rythme, du ton, du suspense, de l’absurde aussi, et prendre une bonne giclée de légèreté ironique.

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Didier van Cauwelaert
Une vraie mère… ou presque
Albin Michel
2022

Publié également au Livre de Poche

Lien : le site officiel de l’auteur.

Littérature Jeunesse Libre (1)

Catégorie : Extras
Par Catherine Chahnazarian

Morosité. Envie de lire. Mais pas envie de lire ces auteurs qui tiennent à parler d’eux ou de leur famille, ni ceux dont les titres filent le cafard alors qu’il y a les infos pour ça – voir les titres sélectionnés pour le Goncourt 2025 : la nuit par-ci, l’obscurité par-là, une maison vide, un adieu, Kolkhoze… Il y en a bien un qui s’intitule simplement Un frère, mais j’ai peur de le lire vu que le frère est schizophrène. Je veux me détendre, moi !

Alors, je suis allée faire un tour sur Littérature Jeunesse Libre. Vous connaissez ? C’est un site qui publie… de la littérature jeunesse libre de droits. Il y a à boire et à manger, évidemment, mais il y a des historiettes qui sont super.

J’ai adoré Bonjour, Soleil ! : https://litterature-jeunesse-libre.fr/bbs/read/1630/pdf, dont la chute est toute simple mais m’a cueillie.

Il y a aussi La petite mangouste recherche une grenouille : https://litterature-jeunesse-libre.fr/bbs/read/1510/pdf, où une mangouste en a marre de manger des figues !

Et puis, dans Ma maison : https://litterature-jeunesse-libre.fr/bbs/read/1690/pdf, un enfant indien fait visiter sa maison pièce par pièce. Rien d’extraordinaire, mais des dessins colorés charmants et une volonté touchante d’inviter à découvrir sa culture.

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Lien : Littérature Jeunesse Libre

L’heure des prédateurs

Essais, Histoire
Par Catherine Chahnazarian

L’étrange inquiétude dans laquelle nous plonge la situation internationale, cette société relativement ordonnée que nous semblons en train de quitter, le monde nouveau que la tech nous fabrique… Nos angoisses, plus ou moins confuses, sont-elles fondées ? On retrouve toute l’intelligence de Da Empoli dans l’interprétation des signes, dans le décryptage des événements, dans l’analyse des sorties de route anecdotiques ou définitives. Avec lui, on ne peut plus dire qu’on ne comprend pas ce qui se passe. Depuis les coulisses de la politique internationale, il nous explique le modèle d’homme politique auquel Trump, entre autres, appartient ; le modèle d’homme de pouvoir auquel Musk, entre autres, appartient ; le modèle d’homme qu’ils nous façonnent, que nous sommes en train de devenir.

À lire. Parce que c’est très clair et très intéressant, et que ça donne des clés. Mais ce n’est pas très amusant. D’autant qu’une fois que les phénomènes ont été expliqués, que le système a été décrit, que faire ? Nous qui croyions qu’il existait des Justes, que les bons gagnaient à la fin, que les vérités ne pouvaient être niées, que les Lumières finiraient toujours par éclairer les chemins, pouvons-nous, devons-nous renoncer à le vouloir ? Comment résister ? Est-il déjà trop tard ? Sommes-nous capables d’infléchir un courant historique aussi fort ? Certains diront que les générations à venir s’adapteront — à l’affaiblissement des règles, aux guerres absurdes et impitoyables, au renforcement de l’IA et au ramollissement des cerveaux… Peut-être. Mais s’adapter à ça ?!

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Giuliano da Empoli
L’heure des prédateurs

Éditions Gallimard
2025

Les loups

Littérature française
Par Catherine Chahnazarian

Olena Hapko a été élue présidente de l’Ukraine. Nous vivrons avec elle, entrecoupés de flash-backs, les trente jours qui la séparent de la prise effective du pouvoir. Coulisses d’un monde politique accouplé à des oligarques puissants, calculateurs, malhonnêtes, dangereux et soumis, pour beaucoup, au pouvoir russe. Olena non plus n’est pas un enfant de chœur. À la tête d’un empire industriel, elle s’est faite toute seule, elle pourrait nous être sympathique, mais non, on n’a pas affaire à un roman féministe : si elle veut œuvrer à l’indépendance de sa patrie et en renforcer l’économie, Olena est une « chienne » féroce parmi les loups.

Avec ce thriller politique, Benoît Vitkine dresse un tableau sans concession d’une société — l’Ukraine d’après la chute de l’URSS — gangrénée par des jeux de pouvoir. Ses connaissances monumentales de l’Europe de l’Est sont au service d’une très riche fiction, parfois un peu technique, historique, réaliste, noire – même si deux beaux personnages secondaires symboliseront l’espoir.

Il faut lire ce livre pour ce qu’il est : un peu comme dans Le mage du Kremlin de Da Empoli, on plonge dans des esprits froids, déformés par le calcul, la soif de pouvoir et la volonté d’aboutir. Benoît Vitkine, journaliste, passe à la fiction pour faire profiter quiconque le voudra de l’éclairage qu’il peut apporter sur cette partie du monde et sur ceux qui y mènent la danse. On découvrira des personnages inventés (dont Olena Hapko), inspirés de ceux que l’auteur a croisés dans la vraie vie, évoluant parmi des personnages existants. En toile de fond, une population désabusée mais une jeunesse sur le point d’exploser.

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Benoît Vitkine
Les loups

Editions Les Arènes
2022

Disponible au Livre de Poche

Qimmik

Littérature francophone (Québec)
Par Catherine Chahnazarian

Ce qui frappe d’abord, dans Qimmik, c’est ce style qui rend l’émotion éprouvée dans la nature : « Le ciel, le roc, l’océan. Sous une lumière obscène, face à l’Arctique, mer de glace. Terre nue. Pays sans arbre. Entre le ressac et le silence, le vent, le vent du nord, règne sans partage. » Et puis ce « je » indéterminé et ce « il » qui flotte dans l’inconnu avant de se fixer sur un personnage ; cette plongée mouvementée dans ce qui se révélera être un double récit, l’usage du présent de l’indicatif contribuant à entremêler les histoires.

Ce sont donc deux univers qui prennent forme, passé et présent, deux civilisations. De jeunes autochtones vivant dans et de la nature, des avocats urbains et sans états d’âme, et une femme… entre les deux. D’une part, un double crime, un accusé à défendre ; d’autre part, une rencontre amoureuse, des jeunes apprenant à vivre ensemble. Rivière, neige, chiens de traîneaux, et bureau, client, affaire à gagner.

Michel Jean, journaliste et écrivain, en nous touchant par l’authenticité et l’harmonie d’un mode de vie rude et beau qu’il semble avoir connu, et en montrant, nu, le monde qui l’a remplacé, dénonce la violence symbolique dont les peuples autochtones ont été victimes.

J’ai particulièrement aimé un très beau personnage féminin, fort, vif, réjouissant.

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Michel Jean
Qimmik
Éditions Libre expression
2023

Le grand feu

Littérature française
Par Catherine Chahnazarian

D’abord, si vous lisez la quatrième de couverture, je vous préviens qu’il ne vous restera pas grand-chose à découvrir. Hormis le style : personnel, poétique, inspiré, se mariant parfaitement avec les personnages, les enjeux, et la musique qui se joue entre les événements, qui en fait partie, que l’on entend en lisant. Car ce court roman raconte la vie d’une jeune fille née en 1699 à Venise et dont le destin, hors du monde, est de se consacrer à la musique. On entre avec elle à la Pietà, orphelinat créé en 1346 et qui existe toujours, et dans le décor émerveillant de la Sérénissime, sa beauté, ses sons, ses couleurs. L’autrice évoque bien sûr la condition des femmes au XVIIIe siècle – celle des hommes aussi d’ailleurs – et le pouvoir libérateur de la musique. Romancière et violoniste, elle a voulu parler – et y réussit très bien – du « corps musicien », du corps de celle ou celui « qui grandit avec l’instrument ». Tout est dans les ressentis, dans les sensations et émotions sans étiquette qui assaillent Ilaria et la constituent ; dans les émotions et sentiments de quelques autres personnages aussi, qui forment le très maigre univers de la jeune fille.

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Léonor de Récondo
Le grand feu
Éditions Grasset & Fasquelle
2023
Disponible au Livre de Poche

De la même autrice, notre critique d’Amours

Thérapie et L’art de la fiction

Hommage à David Lodge (1935-2015) – suite et fin

Par Catherine Chahnazarian

Ça m’ennuierait d’achever cette série spéciale sur David Lodge sans vous parler de Thérapie. Mais je n’ai pas pris le temps de relire ce roman et peut-être que c’est un peu exprès. C’est un de mes meilleurs souvenirs de lecture de toute ma vie et j’ai peur d’y toucher.

Le héros, cette fois, travaille pour la télé. Il traverse une crise existentielle dont le lecteur découvre les détails réalistes et pathétiques dans le journal qu’il tient (le héros, pas le lecteur, évidemment) – sachant que toute ressemblance avec vous-même ou des amis à vous sera forcément fortuite !

Comme souvent, Lodge est sans pitié avec son personnage, nous réserve des surprises et nous amuse avec une finesse exquise.

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Je ne voudrais pas non plus clore cette série sans vous parler d’au moins un de ses essais sur la littérature – que David Lodge a enseignée à l’université de Birmingham pendant près de trente ans, de 1960 à 1987. Il y en a un qui est traduit en français et qui n’est pas épuisé.

L’art de la fiction est en fait constitué des chroniques que l’auteur a publiées chaque semaine dans l’Independent on Sunday (journal britannique) pendant toute une année. Il ne s’adresse donc pas ici à un public universitaire. Il n’emploie le vocabulaire technique que lorsqu’il est nécessaire et parce qu’il faut appeler un chat un chat. Spontanéité du discours, clarté et valeur du contenu – sans prétention, sans hauteur, sans lourdeur non plus. Il faut seulement que les coulisses de la littérature vous intéressent.

Chaque chapitre commence par deux ou trois courts extraits d’auteurs britanniques ou américains célèbres, donnés en version originale puis en français. Lodge s’y adosse ensuite pour développer son sujet : « Le suspense », « Le monologue intérieur », « La présentation d’un nouveau personnage », « Le roman expérimental », « L’allégorie », « Le titre » ou « La structure narrative »… Il y a ainsi cinquante chapitres passionnants à prendre dans le sens et au rythme que vous voudrez.

Si vous aimez écrire, vous y trouverez sûrement quelques tips !

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David Lodge

Thérapie
1995
Seule la version numérique est disponible chez Payot & Rivages, dans la traduction de Suzanne V. Mayoux

L’art de la fiction
1992
Traduction française : Michel et Nadia Fuchs pour les Éditions Payot & Rivages
(2014 pour la dernière édition de poche)

Hors de l’abri

Hommage à David Lodge (1935-2015) – 4

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Littérature étrangère (Grande-Bretagne)
Par Catherine Chahnazarian

Timothy a cinq ans et une tenue spéciale pour les alertes à enfiler directement sur son pyjama. Car c’est le Blitz : l’aviation nazie pilonne la capitale anglaise. La tenue de Timothy est la même que celle de Churchill, alors il n’a pas peur ! Jusqu’à ce que…

Ce roman d’inspiration autobiographique commence donc en 1940 « dans l’abri ». Après la guerre, l’abri, ce sera le cocon familial, la vie sérieuse d’un enfant de famille catholique pas très riche qui subit l’interminable rationnement. Puis, à seize ans, Timothy a l’occasion de faire un voyage. Il part seul en Allemagne rejoindre sa grande sœur qui, comme la tante de David Lodge à l’époque, travaille pour les Américains. Qu’est-ce que l’Allemagne de 1951 ? Que penser des Allemands ? Et des Américains ? Inquiétudes, étonnements, questionnements, le jeune homme acquiert rapidement une maturité qui le transforme. Mêlé à un groupe d’adultes qui n’ont pas grand-chose en commun avec ses parents, il découvre et comprend bien des choses en apprenant à regarder ailleurs, autrement, à se décentrer.

Nous traversons donc un pan de l’Histoire de l’Angleterre et de l’Europe à travers les yeux d’un enfant devenant progressivement adolescent et découvrant la sexualité, comme le suggère la couverture du livre, mais pas que, loin s’en faut. La variété de ses personnages (de bons catholiques, d’anciens soldats, des jouisseurs, des enfants gâtés…) permet à l’auteur d’être à la fois dans la psychologie et la sociologie. De même que la variété des lieux. L’abri, la maison familiale, le lieu des vacances annuelles, les gares, le foyer où loge Timothy, les sites allemands visités sont autant de cadres où se joueront des événements prenants ou attachants, qui surviennent à l’échelle d’un enfant mais s’inscrivent dans un contexte dont l’auteur nous livre l’essence, en un court roman, avec habileté.

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David Lodge
Hors de l’abri
1970

Disponible uniquement en version numérique chez Payot & Rivages, dans la traduction d’Yvonne et Maurice Couturier.

13 à table ! (Hiver 2024-2025)

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C’est un rendez-vous annuel. Nous y sommes fidèles. Cette année encore, les Restos du Coeur publient, avec la complicité généreuse du monde du livre, un recueil de nouvelles dont les bénéfices bruts – puisque personne ne se fait payer pour son travail sur cette production – reviennent aux Restos. Le livre coûte 6 euros et permet de distribuer 5 repas à des personnes en difficulté, jeunes ou âgées, des bébés parfois – trop souvent -, des étudiants, des femmes et des hommes en souffrance.

13 à table ! reprend les nouvelles de 14 auteurs et il y en a pour tous les goûts, si j’ose dire. C’est l’occasion de lire des textes courts d’auteurs contemporains que vous connaissez, et d’en découvrir d’autres peut-être. Profitons-en pour faire d’ 1 pierre 2 coups. Oui, ce message annuel est toujours un peu mathématique, ça m’amuse, mais l’affaire est sérieuse : « On compte sur vous ! »

Cette année, le thème est « Tous dans le même bateau ». Découvrez ce que cela a inspiré à Sandrine Colette, Lorraine Fouchet, Karine Giebel, Raphaëlle Giordono, Christian Jacq, Marie-Hélène Lafon, Alexandra Lapierre, Marc Levy, Marcus Malte, Agnès Martin-Lugand, Étienne de Montety, François Morel, Romain Puértolas et Jacques Ravenne.

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Les Restos du Coeur
13 à table !
Éditions Pocket
2024

Dans toutes les librairies de France.

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