Etgar Keret, 7 années de bonheur, L’Olivier, 2014
— Par Marie-Hélène Moreau
Un fils de plus en plus raisonneur, une femme qui ne le ménage pas, une sœur orthodoxe qu’il ne reconnait plus tout à fait, un père atteint d’un cancer mais qui ne se laisse pas abattre, un journaliste manquant singulièrement de déontologie ou encore un chauffeur de taxi insupportable, voici quelques-uns des personnages hauts en couleur qu’Etgar Keret nous propose de rencontrer à travers les nombreuses anecdotes qui parsèment son livre.
À mi-chemin entre le roman et le recueil de nouvelles, 7 années de bonheur peut se lire dans l’ordre ou le désordre. En soi, cela ne présente pas d’intérêt particulier, mais décrit assez bien ce drôle d’objet. L’auteur y parcourt, année après année, les sept premières années de son fils au fil de courts chapitres sans réel lien les uns avec les autres mais qui dessinent au final la vie d’une famille “normale” en Israël. Ironiques et parfois absurdes, ces saynètes évoquent tour à tour les joies et les vicissitudes de la paternité, la crainte omniprésente des attentats et des roquettes qui risquent de s’abattre sur la ville à tout moment et auxquelles, finalement, on finit par s’habituer, la place de la religion dans la vie quotidienne et le travail de l’auteur, notamment à travers ses participations plus ou moins enthousiastes à des événements littéraires. Etgar Keret raconte sa vie, ses joies et ses doutes, ses angoisses. Il aborde aussi, avec beaucoup de finesse, son lien à la judéité, tant à travers le regard des autres – particulièrement lors de ses déplacements à l’étranger –, qu’à travers sa famille.
C’est passionnant et touchant tout à la fois, tout en étant drôle, car oui, ce livre est drôle à plus d’un titre même s’il laisse planer en permanence l’ombre d’une violence quotidienne. Ainsi cette scène dans laquelle, couché sur le bord d’une route en pleine alerte militaire, l’auteur invente le jeu du sandwich pour protéger son fils d’éclats éventuels. Sous ses airs légers, 7 années de bonheur est définitivement un livre profond.
Catégorie : Littérature étrangère (Israël). Traduction (de l’anglais) : Jean-Pierre Carasso et Jacqueline Huet.
Lien : chez l’éditeur.