
Stefan Brijs, Taxi Curaçao, Héloïse d’Ormesson, 2015 (disponible en 10-18)
— Par Brigitte Niquet
Voici un roman dépaysant au possible, puisque tout ou presque se passe aux Caraïbes. Et ne craignez rien, ce n’est pas un « pavé » mais un modeste livre qu’on peut emmener partout, 280 pages en édition de poche.
Disons-le tout de suite, les Caraïbes n’ont rien d’un paradis de carte postale – ce paradis existe mais il est réservé aux touristes. C’est même pour beaucoup d’autochtones un enfer où quelques « justes » s’efforcent de survivre et d’élever leurs enfants en espérant que ceux-ci, peut-être, connaîtront un sort meilleur. Peine perdue le plus souvent. Certains s’en tirent par le mensonge, la vantardise, comme Roy (1ère partie), chauffeur de taxi à ses heures, qui consacre l’argent prévu pour les études de son fils à bichonner sa Dodge Matador, sa seule idole. D’autres (dont Max, son fils, le héros central), brillants à l’école, se verraient bien devenir, par exemple, instituteur mais, las, on n’échappe pas à son destin. A moins que peut-être Sonny, le dernier de la lignée…
L’histoire est racontée par Frère Daniel, un religieux en civil, maître d’école de son état, en empathie totale avec ses ouailles dont il s’efforce de sauver quelques-unes, en particulier les jeunes, quand ils ne sont pas happés avant même la fin de l’école par les dealers qui rôdent et font aux ados des promesses mirifiques auxquelles bien peu savent se soustraire.
Le monde des livres a qualifié Taxi Curaçao de « drame post-colonial construit comme une tragédie classique ». On ne saurait faire plus beau compliment. Dommage qu’il soit passé presque inaperçu à sa sortie en 2015. Le tirage en Poche chez Héloïse d’Ormesson (2018), puis en 10-18 (2020), lui offre peut-être une seconde chance. Ne la manquez pas.
Catégorie : Littérature étrangère (Belgique). Traduction du néerlandais : Daniel Cunin.
Liens : en 10-18.
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