
Andreï Makine, L’ami arménien, Grasset, 2021
— Par Catherine Chahnazarian
La Sibérie au début des années 1970, encore totalement plongée dans le soviétisme. La rudesse de la vie, des rapports humains ; la rudesse de la pensée même.
Andreï Makine, treize ans, se lie d’amitié avec Vardan, un jeune arménien très différent des autres garçons de l’école. Ne connaissant que l’orphelinat, il découvre avec Vardan ce que peut être une famille en même temps que ce que sont l’Arménie, la langue et le peuple arménien. En tout cas cette portion de peuple-là : des exilés vivant dans de minuscules maisons d’un quartier pauvre en bordure de ville.
Des souvenirs, dont la précision se justifie par l’inattendu des événements, aussi petits soient-ils, et par l’intensité des émotions, sont reconstitués par l’homme mûr. Les mots, la psychologie de l’homme d’aujourd’hui sont au service d’un récit dont on comprendra à la fin certains détails, de même que le sens de certaines scènes avait d’abord échappé à l’adolescent avant de montrer leur logique.
Quelque chose d’à la fois savant et poétique rend ce récit prenant et fluide, donnant au livre une qualité formelle qui soutient la beauté et l’intérêt du témoignage : l’auteur se penche sur des événements constructeurs de sa personnalité et témoignant de l’Histoire.
Catégorie : Littérature française.
Liens : chez l’éditeur.
Une bonne surprise que ce livre. Il m’a donné envie d’en lire d’autres, dont Le testament français.
À travers son ami Vardan, le jeune narrateur découvre une communauté arménienne, exilée en Sibérie, à cinq mille kilomètres du pays natal, et qui attend là que tombe le verdict stalinien qu’encourent les leurs, emprisonnés en ce bout du monde. Emprisonnés « préventivement ».
Ces déracinés n’ont « pour biographie que la géographie de leurs errances », et le récit est empreint de mélancolie – une mélancolie teintée de fulgurances heureuses, comme lorsque les adolescents découvrent que le ciel, bien loin de les dominer, commence au sol, « commence à leurs pieds ». Et l’espoir tout autant.
Andreï Makine est un écrivain empli de délicatesse et de modestie, et une des plumes les plus heureusement classiques de la littérature française contemporaine. On en viendrait presqu’à regretter sa discrétion, et celle de ses personnages sur la cruauté de l’univers concentrationnaire soviétique.
A dire vrai, je n’ai pas trop aimé le bouquin. Et je le regrette pour Makine, un type formidable. Je trouve que le narrateur n’est pas très crédible en orphelin… Du coup, ma fiche de lecture est plutôt une brève.