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Littérature américaine
Par Daniel Kunstler
En 1871, l’ensemble des tribus indiennes Osage (du français “eau sage”), originaires des vallées de l’Ohio et du Mississippi, s’établissait dans une réserve dans l’état de l’Oklahoma, dont elles détenaient le titre de propriété avalisé par le gouvernement fédéral. Comme les terres étaient relativement pauvres, a priori cela ne dérangeait pas grand monde. Mais voilà que les Osages ont eu l’audace d’y découvrir du pétrole et de s’enrichir spectaculairement, ce qui n’était pas du goût des voisins Blancs. S’en est suivi un des pires épisodes de répression raciste de l’histoire des États-Unis. La chronique de ce chapitre brutal a été rayée de la mémoire collective des Américains – comme bien d’autres périodes honteuses – jusqu’à ce que David Grann en ait reconstruit le récit dans La note américaine.
Suite à la découverte du pétrole, le gouvernement a imposé aux Osages des gérants Blancs de leur patrimoine, invitation sur plateau d’argent à la corruption, culminant dans les années 1920 en une tuerie systématique – armes à feu, empoisonnements, bombes incendiaires – afin de mettre la main sur les droits minéraux. Un des assassins a été jusqu’à épouser une Osage afin d’en être l’héritier après l’avoir tuée. Certes, l’agence précurseuse du FBI, soucieuse de démontrer ses compétences et de classer l’affaire est parvenue à appréhender un des chefs de file. Mais la dimension raciste passe sous silence.
L’Amérique n’aime pas qu’on lui rappelle qui a payé la facture de son essor. Dans bien des lycées américains l’enseignement de l’histoire du pays est assainie jusqu’à la perversion, ce qui nourrit une incapacité collective à faire la distinction entre la culpabilité et la responsabilité. (Par exemple, n’étant pas coupables de l’assujettissement des esclaves, les citoyens actuels s’estiment exempts de toute responsabilité pour les iniquités qui persistent encore.) La législature de l’Oklahoma a même passé une loi en 2021 interdisant aux enseignants d’incommoder leurs élèves par des réflexions sur le racisme. Résultat : La note américaine a été exclue des rayons des bibliothèques scolaires. Trump, pour sa part, a commandé aux musées nationaux de Washington de ne monter que des expositions qui célèbrent la “grandeur de l’Amérique”.
Vous aurez peut-être vu la belle adaptation à l’écran de Martin Scorsese, “Killers of the Flower Moon”. Néanmoins, je recommande vivement la lecture de La note américaine afin de saisir la complexité de l’histoire et l’ampleur de ses ramifications.
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David Grann
La note américaine
Traduction : Cyril Gay
Éditions Globe
2018














