Philippe Besson, Ceci n’est pas un fait divers, Julliard, 2023
— Par Sylvaine Micheaux
Des faits divers font la Une des journaux télévisés ou autres quasi chaque jour. Un accident grave, un père ou une mère qui tue son enfant, un homme – ou une femme mais c’est bien plus rare – qui tue son conjoint. On en parle un jour ou deux et on passe à un autre fait divers. Un ou deux ans plus tard a lieu le procès et, pour peu que la peine soit à la hauteur de l’acte, on se dit que justice est faite et que la famille et les amis de la victime vont pouvoir tourner la page et se reconstruire. Vraiment ?
Le narrateur de Ceci n’est pas un fait divers, 19 ans, qui a intégré le corps de ballet de l’Opéra de Paris, voit arriver son rêve de toujours : devenir Premier Danseur. Pour cela, il vit sur Paris depuis cinq ans tandis que ses parents et sa petite sœur de 13 ans, Léa, sont restés dans la banlieue bordelaise. Mais un coup de fil de Léa en état de choc vient mettre fin à ce rêve : « Papa vient de tuer Maman ». Il va prévenir leur grand-père pour qu’il vienne au secours de Léa et sauter dans le premier train.
Le récit va alterner le présent – la sidération devant la scène du drame, la confrontation avec les policiers puis la justice, le quasi mutisme de Léa qui a vu son père assassiner sa mère de 17 coups de couteau, la difficulté à aider la petite sœur qui sombre petit à petit, l’incrédulité de voir leur maison inaccessible durant plusieurs mois puisque scène de crime – et le passé qui remonte par bribes dans la mémoire du narrateur et qui identifie petit à petit les signes de la montée de la violence morale et physique.
Pas de happy end dans ce roman qui parle moins de la victime que des trois survivants, le fils et le grand-père qui n’ont pas vu le drame arriver et qui vont entourer du mieux qu’ils le peuvent Léa.
C’est une histoire qu’on ne lâche pas. Comme toujours, Philippe Besson a une écriture fine et précise, nous décrivant les multiples sentiments qui traversent le narrateur et sa famille, la sidération, la peine, le désarroi, la culpabilité puis la colère, sentiments qui amènent Léa à la limite de la folie. Et si la maman est la victime première, sa famille l’est tout autant.
Catégorie : Littérature française.
Liens : chez l’éditeur ; à la Grande librairie (4’50).