Changement de décor

Hommage à David Lodge (1935-2025) – 3

La Trilogie du campus : Changement de décor, Un tout petit monde, Jeu de société

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Littérature étrangère (Grande-Bretagne)
Par Daniel Kunstler

Passons d’emblée à la conclusion : Changement de décor m’a fait tordre de rire. Du coup je me suis demandé ce qui fait d’un roman comique une réussite. Car la comédie n’est pas un genre littéraire facile; au contraire, elle doit éviter que le burlesque ne sombre dans le ridicule. Pour sa part, David Lodge a joint l’improbable au plausible, aussi bien dans le traitement des personnages que dans celui des situations. Lodge juxtapose deux professeurs d’université, un Anglais plutôt fade, à la vie bien rangée et sans grande ambition, et un Américain, brillant, adultère récidiviste et narcissique. Suite à un pacte académique, un échange est conclu : Philip Swallow, l’Anglais, accepte une chaire provisoire en “Euphoria” (la Californie, plus précisément Berkeley), l’Américain Morris Zapp, éconduit par l’épouse qu’il a trompée, se fait nommer à “Rummidge” (Birmingham). Les personnalités contrastées incarnent la dissemblance culturelle de leurs milieux universitaires respectifs. 

Tout en se moquant sans pitié de ces deux hommes, l’auteur leur rend le service de les humaniser. L’image stéréotypique de professeurs universitaires est celle d’hommes – dans les années 1970, les enseignantes sont une petite minorité – hautains et doctes qui ne quittent leurs tours d’ivoire que pour semer des perles de sagesse au bénéfice d’étudiants indignes du savoir qui leur est offert. David Lodge en fait des mortels aux aspirations matérielles, voire bourgeoises, et aussi portés que quiconque sur l’argent et le sexe. Les établissements universitaires qui les emploient recèlent autant de machinations qu’une cour impériale. En outre, les personnages ne restent pas figés. Swallow s’éveille au contact avec l’effervescence du campus américain, Zapp prend goût au statut exalté qu’il occupe dans une université de moindre réputation.

J’ai des liens personnels avec l’université de Californie à Berkeley. J’ai vécu à proximité pendant trente ans, et l’ai côtoyée comme conférencier et mentor. David Lodge a bien capté son ambiance des années 1970, sa frivolité compensant une opposition vertueuse aux tendances guerrières, racistes et puritaines des pouvoirs politiques. Ceci dit, il faut souligner que les normes académiques de Berkeley sont restées très élevées ; je m’en porte témoin.

Régalez-vous à la lecture de ce premier volet de la Trilogie du campus, histoire à la fois bouffonne et intelligente.

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David Lodge
Changement de décor
1975

En français :
Editions Rivages
Traduction : Yvonne et Maurice Couturier

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