J’ai lu tout Fred Vargas

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Série « J’ai lu tout… »
Policiers et thrillers – Hommages
Par Florence Montségur

D’abord, il y a eu Ceux qui vont mourir te saluent. C’était pas mal, comme titre ! Et ces deux personnages d’aujourd’hui qui s’appellent Tibère et Néron, c’était trouvé ! Puis comme l’intrigue se tenait, le style aussi, on a mordu à l’hameçon.

Alors Vargas nous a régalés avec Debout les morts, L’homme aux cercles bleus, Un peu plus loin sur la droite, Sans feu ni lieu, L’homme à l’envers, Pars vite et reviens tard, tous des titres qui assumaient la catégorie « polar » sans décevoir, en lui donnant plutôt du charme. Car il y a du charme dans l’écriture de Vargas. Dans les deux sens du terme.

Adamsberg se laissait descendre vers la Seine, suivant le vol des mouettes qu’il voyait tourner au loin. Le fleuve de Paris, si puant soit-il certains jours, était son refuge flottant, le lieu où il pouvait le mieux laisser filer ses pensées. Il les libérait comme on lâche un vol d’oiseaux, et elles s’éparpillaient dans le ciel, jouaient en se laissant soulever par le vent, inconscientes et écervelées. Si paradoxal que cela paraisse, produire des pensées écervelées était l’activité prioritaire d’Adamsberg.[1]

Alors, il n’a plus été nécessaire de jouer avec les titres – et ce sont mes romans préférés – : Dans les bois éternels, Un lieu incertain, L’armée furieuse, Temps glaciaires, Quand sort la recluse

Enquêtes et enquêteurs sortant de l’ordinaire, intrigues à nœuds et surtout – surtout ! – ficelles invisibles. Du mystère, de la poésie, des métaphores, beaucoup de dialogues – sans jamais une fausse note – et une bonne bande de flics bien campés, aux caractères très distincts.

[Estalère], tous ses collègues considéraient plus ou moins qu’[il] ne tenait pas la route, voire qu’il était un crétin complet. (…) [Il] suivait Adamsberg pas à pas comme un voyageur fixant sa boussole, dénué de tout sens critique, et idolâtrait simultanément le lieutenant Retancourt. L’antagonisme entre les manières d’être de l’un et de l’autre le plongeait dans de grandes perplexités, Adamsberg allant au long de sentiers sinueux tandis que Retancourt avançait en ligne droite vers l’objectif, selon le mécanisme réaliste d’un buffle visant le point d’eau. Si bien que le jeune brigadier s’arrêtait souvent à la fourche des chemins, incapable de se décider sur la marche à suivre.[2]

Vargas nous fait voyager dans des ambiances extraordinaires qui semblent à la fois d’hier et d’aujourd’hui. Paris, la Bretagne, l’Islande, des croyances, des légendes, l’Histoire… Mais, si j’aime et souligne l’intriguant de ses intrigues, leur force et leur complexité font des romans de Fred Vargas des policiers à part entière !

Que dire de plus pour lui rendre hommage et vous donner envie de la lire ou de la relire ? Qu’ il y a chez Vargas des trouvailles merveilleuses :

Danglard, tremblant de colère, s’était éloigné à grands pas, aussi vite que le lui permettait sa démarche bien particulière, basée sur deux grandes jambes qui semblaient aussi peu fiables que deux cierges partiellement fondus.[3]


[1] Dans les bois éternels, J’ai Lu, p. 262. [2] L’armée furieuse, J’ai Lu, p. 112-113. [3] L’armée furieuse, J’ai lu, p. 117.

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Fred Vargas n’écrit pas que des romans policiers, comme vous pourrez le découvrir sur la page que les éditions Flammarion lui consacrent. Et elle est publiée en J’ai lu.
Sur Les yeux dans les livres retrouvez les articles qui lui sont consacrés à la lettre V du classement alphabétique.

L’Armée furieuse

Fred Vargas, L’Armée furieuse, Viviane Hamy, 2011 (disponible en J’ai Lu)

Par Catherine Chahnazarian.

Fred Vargas, plus je la lis, plus je l’aime. J’aime le commissaire Adamsberg, étrange et poétique ; j’aime ses acolytes : Danglard, l’encyclopédie, Retancourt, la déesse, Veyrenc, avec ses mèches rousses, Luìs, le voisin espagnol… Tous plus typés les uns que les autres. Leur personnalité et leur consistance restent intactes d’un roman à l’autre, prouesse qui suscite mon admiration. Aussi,  L’Armée furieuse est à la hauteur de la réputation que s’est faite l’auteur. Et rien que pour ça déjà, je lui tire mon chapeau.

L’Armée furieuse commence par un petit chapitre un peu décalé, un peu hors sujet, tout à fait délicieux. C’est le début de la journée d’Adamsberg, et ce qui se passe dans ces premières pages n’est pas le début de l’intrigue du livre. C’est juste comme un petit cadeau que l’auteure nous fait, une petite nouvelle qui nous replace en douceur dans le monde de Fred Vargas et dans l’univers mental d’Adamsberg. C’est juste étrange, beau et fin et ça m’a laissée tellement heureuse, sur le coup, que j’ai attendu quelques jours avant de lire la suite, d’entamer, en fait, le roman.

Fred Vargas impose au lecteur des personnages bruts, culturés voire stéréotypés, mais singuliers et nus. On aurait pu les ignorer et on se retrouve, en quelque sorte, à les fréquenter. Comme cette fratrie de surdoués fous, démolis par la violence du père, bizarres et attachants. Une fois que l’auteure nous les a mis sous les yeux, on les sait et on compose avec leur existence, avec leurs valeurs et leurs croyances. L’auteure nous rend, en quelque sorte, tolérants.

L’Armée furieuse est un livre à double intrigue. Le commissaire Adamsberg est pris par deux affaires à la fois et ce qui se passe dans son esprit est encore plus intéressant que d’habitude, son système de fonctionnement, sa relation aux autres. L’une des intrigues nous mène en Normandie et – purée ! – je me serais bien assise moi aussi sous ce pommier pour prendre le café du matin…

Catégorie : Policiers et thrillers.

Liens : aux éd° J’ai Lu ; nos autres critiques de Fred Vargas dans le classement par auteur.

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