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Littérature française
Catherine Chahnazarian
Alors que paraît Une nuit particulière, je viens seulement de lire L’enfant réparé, qui n’est pas qu’une ligne parallèle à la psychanalyse de Grégoire Delacourt. Psychanalyse qui lui a permis de comprendre que ses souffrances étaient dues aux abus de son père, et de comprendre le sacrifice que sa mère a fait pour lui. L’enfant réparé est aussi une relecture de tous ses livres, de tous les mots qui devaient sortir, de ce qui s’est exprimé plus ou moins malgré lui dans ses précédents romans. Une sorte de grille de lecture rétrospective pour ses fans, de confirmation pour les plus psychologues qui avaient compris.
Mais que peut-on bien écrire après cela ? Si tous les mots convergeaient vers le souvenir enfoui qu’il fallait désenfouir, que peut-on écrire après cela ? Et le lecteur de L’enfant réparé n’est-il pas définitivement devenu le psychanalyste de l’auteur, ayant à présent en mains une telle grille de lecture ? Delacourt n’est-il pas désormais tenu de devancer l’analyse de ses lecteurs, de la court-circuiter d’avance, de faire en sorte que ce qu’il écrira ne le déshabille pas trop ? C’est ce que nous verrons en lisant Une nuit particulière… Qui le premier ou la première critiquera ce nouvel opus pour Les yeux dans les livres ? Hum ?
La beauté de L’enfant réparé tient bien sûr à la vérité qui est dite, qui sait ne pas être bêtement nombriliste, qui sait aussi tenir le lecteur en haleine en l’emmenant dans une construction dont la chronologie est déstructurée, une idée en appelant une autre, un retour en arrière étant toujours possible, comme sur un divan. Mais la beauté du texte tient avant tout à cette écriture remarquable, que l’on rechigne à décrire dans le détail pour ne pas lui enlever sa magie. Parce que, pour ce qui est des mots, Delacourt est vraiment très doué.
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Grégoire Delacourt
L’enfant réparé
Éditions Grasset
2021
Disponible en Poche
Toutes nos critiques de Grégoire Delacourt sont référencées à la lettre D de notre classement par auteur.