Les Aiguilles d’or

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Littérature anglophone (U.S.A.)
Par François Lechat

En 1882, dans le Triangle Noir, le quartier le plus mal famé de New York, la famille Schanks prospère grâce à des délits de toutes sortes : avortements clandestins, vols, recel… Au même moment, le juge Stallworth, un Républicain austère, décide d’éradiquer le vice dans le Triangle Noir pour satisfaire ses ambitions politiques. Là où les Schanks s’appuient sur des complices aux mœurs interlopes, le juge, lui, compte sur l’aide de son fils Edward, pasteur, et de son gendre Duncan, un avocat prometteur.

Heureusement pour le lecteur, comme dans toutes les bonnes familles les Stallworth ont leurs maillons faibles. Alors que les Schanks, eux, font preuve d’une discipline sans faille sous l’autorité de leur matriarche. S’engage ainsi une lutte de classes impitoyable, qui montera en tension au fil des pages de ce roman noir.

Un cran en dessous de la formidable saga Blackwater, on retrouve ici, après un prologue éblouissant, le style dépouillé, efficace et très visuel de Michael McDowell, ainsi que son goût pour les sensations fortes et les femmes puissantes. À quoi il faut ajouter, en l’occurrence, une vaste galerie de personnages secondaires fortement contrastés.

Les Aiguilles d’or constitue la deuxième traduction de Michael McDowell chez Monsieur Toussaint Louverture, qui a décidé de lui consacrer une Bibliothèque (quatre autres titres suivront en 2024 et 2025).

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Michael McDowell
Les Aiguilles d’or
Traduction : Jean Szlamowicz
Éditions Monsieur Toussaint Louverture
2023

Blackwater

Michael McDowell, Blackwater (six tomes), Monsieur Toussaint Louverture, 2022

— Par François Lechat

Encore une fois, Monsieur Toussaint Louverture s’est lancé dans une entreprise hors normes : mobiliser deux traductrices et une dizaine de collaborateurs pour publier la première édition française des six tomes de Blackwater, la saga de Michael McDowell.

Le nom de ce spécialiste de la littérature d’horreur ne vous dit peut-être rien, mais vous le connaissez sans doute comme scénariste : on lui doit le script de Beetlejuice et de L’Etrange Noël de Monsieur Jack, deux grands succès de Tim Burton. Blackwater, par contre, n’a jamais été adapté au cinéma, et il paraît en français quarante ans après sa rédaction et bien après la mort de l’auteur, qui était « industrieux, diligent et modeste » selon le portrait qu’en donne Monsieur Toussaint Louverture.

On retrouve dans Blackwater des touches de fantastique, et McDowell, qui sait ménager ses effets, ne nous épargne pas quelques frissons d’horreur. Mais cela reste discret, au début, et progressif, de sorte qu’on peut adorer sa saga sans aimer le fantastique. Car le thème principal de Blackwater est l’évolution d’une famille sur trois générations, sur fond de transformation des États-Unis de 1920 à 1970. Et sur fond, surtout, d’une nature sauvage, indomptable, incarnée ici par deux rivières qui traversent la ville de Perdido, en Alabama, et qui constituent des personnages à part entière – à titre d’indice, le premier tome de la saga s’appelle « La crue » et le dernier « Pluie »…

C’est à Perdido que vit la famille Caskey, exploitants aisés des bois environnants qui vont connaître une foule de péripéties et se signaler par d’étranges rapports humains, en particulier en ce qui concerne la place donnée aux enfants. Dirigés par une matriarche sans cœur, Mary-Love, rejoints par un personnage étrange, Elinor, les Caskey vivent sous le règne de femmes puissantes (Michael McDowell emploie déjà cette expression en 1982), traitent de façon respectueuse leurs domestiques noirs, mais sont aussi des Américains comme les autres, qui ne résistent pas aux sirènes de l’argent.

Leurs aléas ne fascinent pas d’emblée mais, comme dans toute bonne saga, les personnages au départ les plus quelconques deviennent attachants et familiers au fil des six tomes, et laissent une trace profonde dans la mémoire. Et ce d’autant plus que l’auteur distille savamment son suspense, accumule les événements et n’hésite pas à nous rappeler la noirceur qui traverse aussi cette famille sans pareille.

Une réussite à ne pas manquer, donc, en petits volumes offerts sous de somptueuses couvertures, comme toujours chez cet éditeur rare et audacieux.

Catégories : Redécouvertes, Littérature anglophone (U.S.A.). Traduction : Yoko Lacour et Hélène Charrier.

Liens : la série chez l’éditeur ; un article de François Lechat sur les éditions Monsieur Toussaint Louverture.

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