Chevreuse

Patrick Modiano, Chevreuse, Gallimard, 2021

— Par Anne-Marie Debarbieux

L’écriture de Modiano évoque, particulièrement dans ce nouveau roman, celle de Proust, et l’architecture du récit fait plus que jamais penser à un puzzle dont on trie patiemment des pièces qui se ressemblent sans être jamais identiques, ou à ce petit jeu pour enfants qui consiste à découvrir progressivement un dessin en reliant des points numérotés, ou encore à ces labyrinthes dont il faut sortir à force d’essais et de tâtonnements en contournant les impasses pour parvenir à trouver la seule issue.

En effet, c’est en quelque sorte le schéma de Chevreuse, fondé comme la plupart des romans de Modiano, sur des entrelacs de souvenirs incertains, des indices peut-être fiables, peut-être erronés, des personnages ambigus, des lieux que la mémoire conserve tout en les déformant inévitablement ou qu’elle invente plus ou moins inconsciemment.

Le héros, Jean Bosmans, revient sur les traces de son passé. Il est en quête de sa propre histoire mais ses souvenirs sont flous : il essaie de reconstituer une époque dont il ne retrouve que des bribes : des lieux (Chevreuse, Auteuil, une maison, un appartement), des personnes qu’il a côtoyées et retrouvées plus tard, des gens aux activités probablement malhonnêtes, ce qui les rend inquiétants. La période dont il s’agit est celle de prédilection de Modiano, l’Occupation, la guerre, peuplée d’êtres troubles aux activités manifestement secrètes.

Qui étaient ces gens ? Quel lien les relie au narrateur ? Ce sont à la fois des fantômes et des êtres réels que traquent les souvenirs de l’auteur.

Car les recherches de Jean Bosmans se confondent parfois avec la vie de Modiano (Chevreuse par exemple est un lieu qu’il connaît particulièrement) et certains éléments correspondent à des fragments de sa propre enfance. Jean est d’ailleurs le premier prénom de l’auteur ce qui suggère des analogies entre le romancier et son héros, un peu comme si des êtres réels mais mouvants étaient appelés à se muer définitivement en personnages de fiction.

On est donc entre le roman et la réalité, entre personnages fictifs et souvenirs réels et, comme souvent chez Modiano, la fin n’éclaire pas vraiment les méandres de la mémoire.

L’auteur peut-il aller encore plus loin dans cette quête du passé qui est au coeur de son œuvre ?

En tout cas son écriture fascinante continue de nous emporter même si nous ne savons pas très bien où.

Catégorie : Littérature française.

Liens : chez l’éditeur.

L’herbe des nuits

Patrick Modiano, L’herbe des nuits, Gallimard, 2012 (disponible en Folio)

Stylo-trottoir : Dame entre deux âges, dans un train.

« Je viens de lire L’herbe des nuits. C’est un fan de Modiano qui me l’avait offert. Je le comprends : c’est bien écrit et ça vous embarque. C’est un kaléïdoscope du passé et du présent car le personnage, Jean, arpente les coins de Paris où, des années plus tôt, il avait connu Dannie, une amie disparue. Il convoque ses souvenirs à l’aide d’un petit carnet noir datant de l’époque, et nourrit son enquête à l’aide d’un dossier de police. Ça se situe entre la promenade mélancolique, l’enquête et la réflexion sur la vie. La démarche de ce personnage et son résultat ne sont pas très clairs, tout est dans le… Enfin, c’est sensible et cela évoque intelligemment ces questions qu’on se pose dans la vraie vie et qui ne trouvent pas de réponse ou qui nous laissent dans le doute. C’est un genre en soi, mais une bonne expérience à faire. Peut-être en arpentant Paris avec Jean : Paris au mois d’août ! »

Catégorie : Littérature française.

Liens : chez l’éditeur (en Folio).

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