Un tramway nommé Désir

Série : NOS MONUMENTS DE LA LITTÉRATURE AMÉRICAINE

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Par Catherine Chahnazarian

Dans nos mémoires, Un tramway nommé Désir, c’est ce film dans lequel Marlon Brando, tout jeune, à peine sorti de l’Actors Studio, incarne une virilité sauvage et une sensualité indécente pour l’époque. Son personnage, Stanley Kowalski, vulgaire et dur, est servi par un texte sauvage et dur, dépêtré des carcans académiques et des modes littéraires. Ni belles phrases ni envolées, l’écriture est avant tout sociologique, le texte sent la pauvreté, le sexe et la sueur. Non, sans Tennessee Williams, pas de marcel taché sur le corps brillant du jeune Brando.

Pourtant, qu’il est difficile à lire, ce texte ! C’est que tout y est écrit. Des didascalies disent tout non seulement du décor à mettre en place mais du moindre geste, du moindre mouvement des acteurs, de la direction des regards, du phrasé… Tout est précisé et le lecteur, sans cesse coupé dans son élan, ne parvient pas à faire la lecture fluide à laquelle il est habitué. C’est qu’une pièce est faite pour être jouée.

On est à La Nouvelle-Orléans, il fait chaud et moite. Stanley ramène de la viande à la maison – un deux pièces minable – et repart aussitôt pour aller jouer aux boules. Stella, sa compagne, dont la vie entière tourne autour de Stanley, court le rejoindre et n’assiste pas à l’arrivée inopinée de sa sœur, Blanche, sorte de bourgeoise débarquant dans un monde qui n’est pas le sien. C’est l’élément perturbateur d’un équilibre fragile. Le mélodrame éclaire un milieu social où la brutalité est accentuée par la pauvreté et la sensualité par la chaleur et par le huis clos que vient paradoxalement renforcer la présence de la rue dans le décor. Cette atmosphère interpelle votre vision des mœurs, de l’amour, de l’équilibre mental. L’impossible ascension sociale de Stanley comme la dégradation sociale de Stella et Blanche ramènent l’humanité à ses frustrations et à ses échecs, à son rapport relatif à la réalité, à ses dépendances aussi – au sexe, à l’alcool, au jeu, au regard des autres, à ce qu’ils croient être la féminité et la virilité, ou le bonheur.

Quelque chose d’animal, dans cette pièce si éloignée du théâtre français, trouble encore aujourd’hui et rappelle qu’écrire doit toujours servir une idée vraie.

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Tennessee Williams
Un tramway nommé Désir
Titre original : A Streetcar Named Desire, 1947
Prix Pulitzer 1948

Le texte est aujourd’hui disponible en français chez Robert Laffont, en Pavillons Poche, dans une adaptation de Pierre Laville.
Le film d’Elia Kazan avec Marlon Brando et Vivien Leigh est sorti en 1951. Pour vous en faire une idée

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