Jour de ressac

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Littérature française
Par Sylvaine Micheaux

La narratrice, dont le nom n’est jamais cité, doubleuse au cinéma, la cinquantaine, mariée et maman d’une fille de 20 ans, reçoit un coup de téléphone de la PJ du Havre. Elle est convoquée  pour le lendemain : un homme mort non identifié a été retrouvé sur la plage, avec dans les poches un ticket de cinéma portant le numéro de téléphone de l’héroïne.

Arrivée au Havre où elle a vécu toutes ses jeunes années, elle ne reconnait pas l’homme dont on lui montre les photos, mais ne peut se résoudre à quitter si vite la ville et se dirige vers la plage où on a trouvé le corps. Début d’une intrigue policière ? Pas du tout. Début d’une pérégrination dans la cité de son enfance, car la véritable héroïne est cette ville, grise, rebâtie en béton après sa quasi destruction lors des bombardements alliés de septembre 1944. La plage, la digue nord, le Ponant, le port tentaculaire qui est gangréné par les narcotrafics, et le récit qui part dans tous les sens comme les souvenirs de la narratrice qui petit à petit commence à avoir des doutes sur l’identité du mort… Peut-être celle d’un premier amour qui l’a abandonnée trente ans auparavant.

Ai-je aimé ce roman ? Difficile à dire. Certes, l’écriture est riche et remarquable, mais le déroulé chaotique de l’histoire m’a perturbée et la fin, qui n’en est pas une, tout autant. Quand il y a bien longtemps j’avais visité rapidement le Havre, la ville ne m’avait pas plu, trop grise, trop rectiligne : Jour de Ressac me confirme dans ma vision première.

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Maylis de Kerangal
Jour de ressac
Éditions Verticales
2024

Réparer les vivants

Maylis de Kerangal, Réparer les vivants, Gallimard (Verticales), 2014

Par Brigitte Niquet.

Voilà un succès de librairie incontestable mais ce n’est pas pour me mêler aux laudateurs que je prends la plume.

« Remarquablement écrit », disent beaucoup de critiques. Ce n’est pas mon avis, sauf si on admet, effectivement, que la « beauté » de l’écriture est une fin en soi. Pour ma part, cela produit l’effet contraire, ce livre m’est tombé des mains, j’en ai sauté des pages entières. Trop de style tue le style, c’est bien connu, trop de métaphores tue les métaphores, et le tout tue le plaisir de la lecture et, évidemment, l’émotion. Chaque verbe, adjectif, nom, adverbe, etc. est accompagné d’au moins 3 synonymes, voire plus. Pour moi, c’est vraiment l’auteur qui « s’écoute écrire ». Sur un tel sujet, c’est même choquant.

Il y a, par ailleurs, des chapitres entiers (dont le premier, ça commence mal) dont on se demande vraiment l’intérêt par rapport au sujet. Que Simon se soit tué après une nuit de surf ou après une virée en boîte, quelle importance puisque c’est l’accident de voiture qui s’en est suivi qui l’a tué et qui rend son coeur disponible pour la transplantation ? Pourquoi donc consacrer tout le premier chapitre à la description (luxuriante) du surf et de la beauté du jour naissant sur la plage où vient mourir la « grande vague » ? De même, pourquoi consacrer des chapitres entiers à la vie privée, présente et même antérieure, des différents acteurs de la transplantation (médecins, chirurgiens, infirmières) ? Le comble est atteint dans le chapitre qui commence page 160 « Le jour où Thomas (un des médecins) fit l’acquisition du Chardonneret… », dont, après 3 lectures, je ne comprends toujours pas l’intérêt par rapport au sujet.

Cela n’empêche pas, bien sûr, que les chapitres consacrés à la détresse des parents du donneur potentiel, confrontés à la douleur conjuguée de la mort de leur fils et de la mutilation post mortem que les médecins leur proposent de cautionner, soient bouleversants, mais c’est le sujet qui l’est et ce sont bien les seuls chapitres que j’aie lus en entier avec les larmes aux yeux.

Catégorie : Littérature française.

Liens : Réparer les vivants chez l’éditeur ; la critique de Corniche Kennedy, de la même auteure, par D. Bernard ; la critique du Chardonneret, de Dona Tartt, de Fr. Lechat.

Corniche Kennedy

Maylis de Kerangal, Corniche Kennedy, Gallimard, 2008

Par Dominique Bernard.

Juste un petit mot pour un livre intense. Parmi les livres de Maylis de Kerangal, ma préférence va à celui-ci. Le récit est court, vif et dramatique, comme les aventures que l’on s’invente en groupe à l’adolescence. Ces gamins et leurs plongeons toujours plus hauts – la bande de la Plate -, leurs mobylettes, l’inspecteur, on les revoit partout et on les entend encore après avoir fermé le livre.  Au cinéma, on dirait qu’ils crèvent l’écran. Dans ce récit, pas de thèse, rien à prouver, mais une succession de moments de grâce et de tensions, non pas décrits, ni démontrés, ni commentés, mais créés par l’écriture même, la vie.

Catégorie : Littérature française.

Liens : chez Gallimard, collection Folio.

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