Les grandes oubliées. Pourquoi l’Histoire a effacé les femmes

Titiou Lecoq, Les grandes oubliées. Pourquoi l’Histoire a effacé les femmes, L’iconoclaste, 2021 (préface de Michelle Perrot)

— Par Catherine Chahnazarian

Cet essai parcourt l’Histoire dans le but de rétablir des vérités sur la femme, les femmes ; de rendre hommage à des créatrices ou combattantes méconnues, et d’expliquer ou décrire des phénomènes sexistes que nous connaissons (encore) aujourd’hui. On ne peut qu’admirer l’énorme travail de documentation réalisé par Titiou Lecoq afin d’explorer le vaste sujet de la condition féminine depuis la Préhistoire. Elle ne prétend pas produire un essai scientifique mais rassembler des données émanant d’ouvrages de scientifiques (des femmes surtout) ; données qui, si elles échappent à notre connaissance, échappent à la culture socialement partagée. Or c’est dans cette culture que les femmes ne sont pas encore les égales des hommes. Chacun sera surpris de ceci ou cela, découvrira quelque chose qu’il ou elle ne savait pas, quelque chose de contre-intuitif, ou contraire aux représentations acquises ou aux contre-vérités qui fondent notre culture.

Évidemment, quand on veut faire tenir une telle fresque en un seul livre, on passe assez vite d’un sujet et d’une époque à l’autre. Certaines vérités sont assénées sans une explication qui pourrait en prouver l’exactitude ou mieux convaincre. D’autres sont envisagées d’un seul point de vue — celui qui arrange le féminisme — et mériteraient un plus large traitement. Mais devant la qualité des sources et l’excellente intention de l’autrice, on peut sans doute passer outre quelques raccourcis. D’autant que si un sujet en particulier vous intéresse, vous pourrez suivre la piste et aller vous-même puiser aux sources, avec un féminisme plus ou moins révolté.

Ce livre en tant qu’objet est malheureusement assez laid, avec ses gros caractères, ses marges trop grandes, ses mises en exergue d’une phrase sur une page entière en lettres immenses (cela ne donne aucun poids au contenu, au contraire). Mais il se lit très agréablement, la plume de Titiou Lecoq glissant avec facilité et ses pointes d’humour ne gâtant rien.

Catégorie : Essais, Histoire…

Liens : chez l’éditeur ; interview France Inter.

P.S. : Ça y est, je suis convaincue : mieux vaut employer « autrice » qu’ « auteure ». « Autrice », plus ancien, est formé, comme « auteur », sur le mot latin auctor, ce qui met hommes et femmes à égalité ; tandis qu’ « auteure » est formé sur le masculin français « auteur ». Je vois par ailleurs du sens à réhabiliter un terme qui a existé puis disparu parce qu’il n’était plus de bon ton qu’une femme écrive.

Chroniques de la débrouille

Titiou Lecoq, Chroniques de la débrouille, Livre de Poche, 2015 (réédition de Sans télé, on ressent davantage le froid, Fayard, 2014)

Par Catherine Chahnazarian.

Je suis un peu déçue bien que, des fois, je me sois vraiment marrée en lisant ce Titiou Lecoq très irrégulier, irrégulier comme le sont forcément les chroniques d’un blog personnel. Je ne savais pas que les Chroniques de la débrouille étaient issues d’un blog : je me renseigne toujours peu sur les livres avant de les lire car je déteste ne pas découvrir. J’étais donc prête à lire quelque chose d’au moins aussi bon que Les Morues (qui est un roman). Mais non, des chroniques autocentrées à demi adolescentes, ça ne passe pas en livre. Parce que tellement de gens savent le faire : se raconter en étant drôle, voire en faisant de l’autodérision et en en profitant pour dire des petites choses sur le monde… Les petites choses du monde, je préfère qu’elles me soient narrées, emballées dans un récit bien mené (ou, selon les cas,  dévoilées par un homme ou une femme courageuse). Mais là, que me reste-t-il après cette lecture, même si j’ai ri ? Juste la certitude – mais la certitude toujours intacte – que Titiou Lecoq a du talent.

Selon l’humeur, ça peut être un chouette livre à lire, à laisser et à reprendre dans un rythme rappelant, justement, celui qui nous fait suivre un blog. Il y a des moments hilarants, notamment au début, quand elle parle de l’éducation nationale…

Mais, Madame Lecoq, j’attends votre prochain roman. J’avais beaucoup aimé Les Morues ! C’est d’ailleurs amusant de lire, dans les Chroniques de la débrouille, le travail réalisé sur ce roman.

Catégorie : Littérature française.

Liens : chez Fayard ; en Poche.


L’avis de François Lechat

Effectivement, comparées aux Morues, petit roman sans prétention mais plaisant, ces Chroniques de la débrouille pâtissent de leur procédé. Il y a du bon et du moins bon, et l’on n’est pas toujours d’humeur à lire des propos aussi légers que ceux-ci, dans les deux sens du terme. Ni à déceler ce qu’ils ont, parfois, d’assez fin sous une absence totale de vernis. En fait, il faut lire ce livre comme un San Antonio sans commissaire ni intrigue : pour le plaisir de s’encanailler avec un auteur qui emploie un langage de charretier, est obsédé par toutes les fonctions organiques et n’hésite devant aucun trait d’humour, mais au féminin, ce qui nous change. L’autodérision est reine, l’époque est jugée sans aménité, les femmes en prennent autant pour leur grade que les hommes : ça défoule et, encore une fois, c’est sans doute plus plaisant pour des lecteurs masculins, qui pourront se faire complices sans se sentir coupables.

Les Morues

Titiou Lecoq, Les Morues, Au diable Vauvert, 2011 (disponible en Poche)

Par Catherine Chahnazarian.

Les Morues est un premier roman qui parvient à être tout à fait original en s’attachant à des thèmes qui ne le sont pas spécialement : les dessous du journalisme, l’emprise d’internet sur nos vies, la difficulté de faire son deuil lorsqu’un proche s’est suicidé. Mais c’est très finement que sont traités des thèmes plus difficiles comme la nécessité de repenser le féminisme, la maturité sexuelle et affective, les cicatrices d’un viol. Oui, c’est un drôle de roman qui ne se gêne pour désobéir à la règle de l’unité d’action, et c’est très bien comme ça.

Les personnages principaux, Ema et Fred, sont tout simplement formidables. Au plan psychologique, c’est très fort. Le style nous projette tout droit dans le mental de cette jeune femme et de ce jeune homme empêtrés dans leurs problèmes existentiels. Ce n’est pas un roman à double narrateur, non : le même narrateur, externe, regarde vivre tous les personnages, se glissant seulement de manière privilégiée dans la peau d’Ema ou de Fred ; mais c’est tout de même un roman à deux voix ou, plus exactement, à deux cris.

Il faut passer outre la trame policière et politique, très faible, pour apprécier les qualités de cette jeune auteure, mais cela vaut la peine. Il faut passer outre, aussi, la couverture stupide de l’édition du Livre de Poche, quelques fautes d’orthographe et scories déplorables, et ne pas lire la quatrième de couverture ou la promo de l’éditeur qui, comme souvent, en dit trop : c’est beaucoup plus gai de découvrir au fil de l’écriture ce qui explique le titre : Les Morues.

Bref, voilà un roman imparfait que je recommande pourtant. Simplement parce que je n’aurais pas pu le lâcher. Je voulais savoir si…, pourquoi…, qui… ? Et il se pourrait que j’achète le prochain si Titiou Lecoq en écrit encore un.

Catégorie : Littérature française.

Liens : chez l’éditeur ; une bonne interview de l’auteure : http://www.babelio.com/auteur/Titiou-Lecoq/94958 (qu’on apprécie encore plus après avoir lu le livre…).

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