J’ai lu tout Maxence Van der Meersch

1936

Série « J’ai lu tout… »
Littérature française – Hommages
Par Sylvaine Micheaux

Quand Catherine nous a proposé de parler d’un auteur dont on a tout lu ou presque, j’avais l’embarras du choix, tant à une période je pouvais être monomaniaque d’un écrivain aimé : Zola, Bazin, Troyat, Giono, Gide, etc. Mais l’actualité de ces dernières semaines m’a désigné un tout autre auteur, je vous expliquerai pourquoi.

Maxence Van der Meersch (1907-1951), auteur un peu retombé dans l’oubli, que certains ne connaissent peut-être même pas, bien qu’il ait été lauréat des prix Goncourt et de l’Académie française et que son nom soit encore sur le fronton de nombreux établissements scolaires du Nord, est né à Roubaix et a ciblé dans ses romans le Nord et ses gens simples, offrant une peinture humaniste de la région de l’entre-deux guerres, sans le côté misérabiliste d’un Germinal.

Je l’ai découvert avec La Maison dans la dune (1932), son premier roman. Nous sommes sur la côte de la mer du Nord où s’affrontent, parfois mortellement, contrebandiers de tabac et douaniers. Une belle histoire, violente, passionnée, dans l’atmosphère brumeuse de la côte dunkerquoise. L’auteur décrivait avec beauté ma région et j’ai tout de suite aimé car, adolescente, je découvrais ma région d’une manière positive à travers ses livres.

Puis suivent, dans mes lectures, Invasion 14 (1935) sur la Première Guerre mondiale, L’Empreinte du Dieu (1936) sur la fuite d’une jeune femme mariée à un homme violent, qui a reçu le prix Goncourt, Pêcheurs d’hommes (1940) sur la JOC (Jeunesse ouvrière chrétienne) – il était un catholique convaincu –, etc.

Corps et âmes (1945), pavé de 700 pages, prix de l’Académie française, ne se passe pas dans le Nord mais en Anjou, dans le milieu médical. Livre fort qui décrit l’ambition, la dureté et le carriérisme  des chefs de service hospitaliers, mais aussi le quotidien des médecins de famille, souvent tiraillés à l’époque entre l’interdiction de parler de contraception et la détresse de patientes, enceintes tous les ans d’un nouvel enfant alors qu’elles n’avaient déjà pas les moyens de nourrir les premiers ; de l’horreur de ces femmes qui arrivaient aux urgences avec une septicémie ou qui mouraient dans d’atroces souffrances du tétanos, transmis par les aiguilles à tricoter rouillées des faiseuses d’anges. La toute jeune femme que j’étais a été émue et choquée par ces récits alors que pour ma génération, en 1967 on venait enfin de légaliser la contraception et, en 1974, d’autoriser l’IVG. Le scellement dans la Constitution française de l’IVG a été le point de départ de mon choix de cet auteur, Maxence Van der Meersch.

Mais le roman que j’ai préféré, si je devais n’en choisir qu’un, est Quand les sirènes se taisent (1933) qui se situe à Roubaix, en 1930, pendant la grève des ouvriers du textile : grève âpre, dure pour ces ouvriers tassés dans les courées, groupements d’habitations insalubres des travailleurs. Quand je l’ai lu, j’en ai discuté avec ma grand-mère qui avait été ouvrière du textile dans ces années-là (même si en 1930 elle n’y travaillait plus, élevant ses trois enfants, et bien qu’elle n’a jamais vécu en courée) : ce  furent des échanges merveilleux me plongeant dans la jeunesse et les souvenirs de ma Mémé. Des moments jamais oubliés.

Ce qui me fait souvent aimer un auteur et ses romans, c’est quand il mêle avec une belle écriture une histoire passionnante et l’Histoire. Et j’ai aimé Maxence Van der Meersch, décédé bien trop jeune de la tuberculose, aussi pour cela.

*

C’est chez Albin Michel que vous pourrez retrouver les romans de Maxence Van der Meersch.

En l’absence de photo de l’auteur sur le site de l’éditeur, la photo de Maxence Ven der Meersch affichée ci-dessus est reprise de la page Wikipedia qui lui est consacrée.

Laisser un commentaire

Un Site WordPress.com.

Retour en haut ↑