Les éclats

Littérature étrangère (USA)
Par François Lechat

Dans American Psycho, Bret Easton Ellis mettait en scène un psychopathe qui virait au tueur en série ultra-sadique alors qu’il avait tout pour lui, jeunesse, argent et beauté. De manière surprenante, l’auteur expliquait à l’époque que ce livre parlait de lui, ce qui a ajouté au scandale qu’il avait provoqué.

Avec Les éclats, Bret Easton Ellis propose un récit moins brutal, moins glauque (tout en étant quand même gratiné), mais il ne change pas de thème. Dans ce qu’il présente comme des souvenirs authentiques, il raconte quelques mois de sa vie de fin de lycée, à l’époque où, dans un Los Angeles de rêve, un mystérieux Trawler enlève et tue des jeunes gens et pourrait bien s’avérer être un des élèves de cet établissement de riches, un certain Robert Mallory dont le comportement et le passé sont troublants. C’est donc en victime potentielle et de plus en plus angoissée que Bret Easton Ellis se dépeint, en maintenant jusqu’au bout le suspense quant à l’identité du Trawler. Ce qui nous vaut quelques pages hautement déstabilisantes, car après tout personne n’est à l’abri d’un excès d’imagination, surtout un aspirant écrivain comme l’est le narrateur.

Ce qui frappe le plus, dans ces 900 pages, c’est la lenteur savamment orchestrée de la montée en tension. Car ce thriller est freiné par une foultitude de détails, tenues vestimentaires, chansons, itinéraires en voiture, prises de drogues et autres psychotropes…, qui forment le quotidien d’une bande de privilégiés liés de près ou de loin à Hollywood, vivant sous un soleil éclatant. Tous sont pris dans des jeux d’apparence, dans le conformisme de grands adolescents goûtant aux plaisirs frelatés de l’âge adulte, dont l’alcool, la drogue et le sexe, détaillés ici par le menu. Seul le narrateur reste à distance, trop conscient de ses propres mensonges (il sort avec une fille mais est obsédé par les garçons) et du danger qui monte. D’où une tension à la fois croissante et délayée, une succession d’avertissements glaçants accompagnée d’une introspection maniaque, angoissée, qui ralentit le récit tout en nous ramenant toujours aux mêmes menaces.

C’est virtuose, subtil, touchant, hypnotisant – mais d’autres pensent sans doute qu’il aurait fallu faire plus court.

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Bret Easton Ellis
Les éclats

Traduction : Pierre Guglielmina
Éditions Robert Laffont (Pavillons)
2023

Disponible en 10-18

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