Le caprice Hingis

Arnaud Jamin, Le caprice Hingis, Salto, 2019

— Par Julien Raynaud

Les éditions Salto ambitionnent de faire du sport un sujet littéraire. Quel meilleur sujet qu’un affrontement terrible entre une championne proche de la retraite et une jeune prodige ? La finale dames de Roland-Garros en 1999 était l’un des meilleurs choix. C’est celui qu’a fait Arnaud Jamin, journaliste à France Inter et titulaire d’un DEUG de psychologie, diplôme de bon aloi pour décortiquer le combat à mort que vont se livrer Steffi Graf et Martina Hingis.

Ce match n’est pas qu’un duel, car ce serait oublier la foule déchaînée, et l’arbitre complètement dépassée. Le public, pris en main par les supporters quasi-violents de la championne allemande, joue ici un rôle décisif. Cette foule (des licenciés de tennis pour beaucoup) va contribuer largement à la mise à mort d’une jeune fille Suisse, qui a commis pour seul crime d’être sans pitié pour une star qui n’est pas son idole (son idole, c’est Martina Navratilova).

En 101 pages passionnantes, on revit, ou on découvre, un drame en plusieurs actes, dont on connaît en principe l’issue, mais qui nous décrit de manière perspicace et flamboyante un après-midi inoubliable, relevant autant de la tragédie que du sport, au cours duquel deux héroïnes « se poignardent yeux dans les yeux ». 

Catégorie : Essais, Histoire…

Liens : L’éditeur sur Facebook (il ne semble pas avoir de site opérationnel) ; un excellent billet de Juliette Arnaud sur France Inter.

Sa majesté des chats

Bernard Werber, Sa majesté des chats, Albin Michel, 2019

— Par Julien Raynaud

Tout le monde connaît plus ou moins Les fourmis, écrit par Bernard Werber en 1991. La prouesse de ce livre était d’alterner une intrigue palpitante avec des passages plus sérieux, sous forme d’articles scientifiques. Rebelote avec Sa majesté des chats, conçu comme un tome 2 après Demain les chats, mais qui peut tout à fait être lu sans ce préliminaire.  

Dans Sa majesté, les humains en prennent pour leur grade : dénonciation de l’élevage intensif (Werber décrit ce que l’on fait subir aux porcs, et ça donne la nausée), de la corrida, etc. L’intrigue ne manque pas de rebondissements, et l’on croise, a-t-on envie de dire, tous les animaux de la ferme ! Certains passages sont assez durs, à cause de la barbarie des rats (oui, car il faut se coltiner les affreux rats dans Sa majesté, qui flirte sur ce point avec les romans de James Herbert des années 70). Ne vous attachez donc pas trop à certains animaux-personnages, sous peine de sortir les mouchoirs. 

Les intermèdes encyclopédiques glissés par Werber, toujours au bon moment, sont accessibles et passionnants ; on espère que l’on peut s’y fier, sous peine de livrer à son entourage, tout au long de la lecture, tout un tas d’anecdotes inexactes !

Catégorie : Littérature française.

Lien : chez l’éditeur.

Bibliocat

Pour passer de joyeuses fêtes

Alex Howard, Bibliocat, Hauteville, 2019

— Par Julien Raynaud

Il paraîtrait que trente pour cent des ménages français possèdent au moins un chat. À n’en pas douter, on cherchera en priorité dans cette catégorie les lecteurs de Bibliocat. Qui ne voudrait pas découvrir ce que fait un chat de ses journées, ce que pense un chat, qui plus est un chat de bibliothèque ? Les fans de livres et de chats boiront du petit lait en lisant Alex Howard. Ils apprécieront le caractère léger de ces chroniques félines, au sein desquelles il est possible de picorer comme dans un fablier. Voilà qui est idéal pour se détendre, pour s’évader dans le calme et le ronron. On pourra laisser ce livre sur un petit meuble, près d’un fauteuil et d’un pot d’herbe à chat (appelée cataire dans Bibliocat), et on l’ouvrira, de-ci de-là, en tenant un mug brûlant.

Dès les premières pages, le plan du territoire du chat érudit constitue déjà une gourmandise. Quant aux chroniques successives, où vous découvrirez un cousin français du héros, très hautain comme il se doit, elles pourraient bien, sous leurs allures légères et sous la plume d’un doctorant en littérature, vous inviter à une certaine lucidité sur la futilité des actes humains, en tous les cas aux yeux des chats. En prime, l’auteur vous renvoie à la fin de chaque chronique à la lecture de romanciers britanniques, que vous pourriez découvrir à cette occasion : Georges Douglas Brown, Stephen Fry, etc.

Bien sûr, si c’était de l’action, une enquête ou une histoire d’amour que vous cherchiez, vous serez déçu. Et si vous êtes plutôt canidés, vous vous réjouirez de vous tourner ensuite vers Paroles de chien de Rudyard Kipling.

Catégorie : Extras (Grande-Bretagne). Traduction : Claire Allouch.

Lien : Bibliocat chez son éditeur — où vous pourrez lire un extrait. Paroles de chien de R. Kipling, préface et traduction de Thierry Gillyboeuf, chez Rivages Poche, 2021.

Les sœurs de Montmorts

Jérôme Loubry, Les sœurs de Montmorts, Calmann-Lévy, 2021

— Par Julien Raynaud

Les trois cent quarante-trois premières pages de ce thriller de Jérôme Loubry vous raviront sans nul doute. Vous y verrez une prouesse, une réussite qui n’a rien à envier à Stephen King. Vous serez sous le charme d’un mystérieux village, où même le catalogue de la bibliothèque municipale est particulièrement original. Vous reconnaîtrez la brillante idée de l’auteur, consistant à la fin de certains chapitres à révéler ce qui arrive au même moment aux autres personnages dans le village de Montmorts. Vous trouverez l’enchaînement des chapitres juste parfait, alors même qu’alternent une histoire présente, la lecture d’un compte-rendu d’évènements antérieurs, quelques considérations scientifiques sur le cerveau humain, des lettres anonymes, et la lecture d’un blog. Là où un Dan Brown aurait interrompu l’intrigue en cours dans le seul but de vous faire tourner les pages pour découvrir la suite, Jérôme Loubry distille les éléments au moment où le lecteur en a besoin.

Pour que le lecteur reste sur ces impressions extrêmement positives, voire dithyrambiques, il aurait fallu que le roman en reste là, qu’il n’explicite aucun des mystères et laisse à chacun le soin de se perdre en conjectures. Au lieu de cela, Jérôme Loubry rajoute une cinquantaine de pages, qui donnent l’explication scientifique des événements. Malheureusement, elle est alambiquée, expédiée dans la plus grande précipitation, et c’est la déception qui domine.

Alors un conseil, lisez vraiment ce livre, il n’y a aucun doute là-dessus, mais arrêtez-vous donc à la page 343.

Catégorie : Policiers et thrillers.

Lien : chez l’éditeur.

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