La guerre par d’autres moyens

Littérature française
Par François Lechat

C’est un roman à clés, mais avec tout un trousseau pour la même serrure… Car le personnage central côté masculin, Dan Lehman, président de la République qui a échoué à se faire réélire, tient de Sarkozy (l’ambition, l’énergie, l’amertume d’avoir été battu), de Hollande (le président de gauche accusé d’avoir mené une politique de droite, l’homme aux deux femmes dont une liée au showbiz), de Jospin (le retrait forcé de la vie politique), de Blum et de Mendès-France (la judéité), de Chirac et de De Gaulle (l’enfant chérie et handicapée), et j’en passe. Et on pourrait faire le même exercice du côté des personnages féminins, autrices ou actrices proches des héroïnes qui bousculent l’ordre établi depuis MeToo.

Les thèmes, quant à eux, sont prenants : impasses de la politique, ambitions dévorantes, domination masculine, violence du monde du cinéma, tension entre la logique du désir et celle de la dignité, spectre de l’âge qui rend les hommes attirants et les femmes hors-jeu… Sans parler du personnage d’Anna, petite fille muette adorée de tous, et de l’addiction à l’alcool, promesse de déchéance.

Le livre est riche, donc. Mais la manière ? Après avoir lu Les choses humaines, j’avais posé la question de la place de la littérature dans les romans de Karine Tuil. L’insouciance m’avait paru d’une grande efficacité narrative au détriment du style, tandis que Les choses humaines commençaient à faire une place à des moments de respiration, de méditation, d’écriture plus travaillée.

Je devrais donc me réjouir du fait que, dans La guerre par d’autres moyens, ces moments se multiplient et donnent de la profondeur au roman. Sauf que… Sauf que, d’une part, le déséquilibre s’est inversé. Trop de commentaires, trop d’introspection, pas assez d’événements, de rebondissements, d’autant qu’une partie de ces derniers s’avère prévisible. Et sauf que, d’autre part, toutes ces réflexions sur les enjeux propres à notre temps sont, pour moi, assez convenues, très justes mais précisément déjà lues, déjà vues. Et j’en dirais de même pour l’alcool, dont les ravages ne sont pas une découverte.

On ne peut pas reprocher à un roman d’être féministe, social, bienveillant à l’égard des modestes et critique à l’égard du monde du cinéma, des médias et de la politique, ces lieux de pouvoir impitoyables. Mais fallait-il dire tout cela, ou le laisser entendre, le faire découvrir par l’action plutôt que par le discours ?

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Karine Tuil
La guerre par d’autres moyens
Éditions Gallimard
2025

Le grand feu

Littérature française
Par Catherine Chahnazarian

D’abord, si vous lisez la quatrième de couverture, je vous préviens qu’il ne vous restera pas grand-chose à découvrir. Hormis le style : personnel, poétique, inspiré, se mariant parfaitement avec les personnages, les enjeux, et la musique qui se joue entre les événements, qui en fait partie, que l’on entend en lisant. Car ce court roman raconte la vie d’une jeune fille née en 1699 à Venise et dont le destin, hors du monde, est de se consacrer à la musique. On entre avec elle à la Pietà, orphelinat créé en 1346 et qui existe toujours, et dans le décor émerveillant de la Sérénissime, sa beauté, ses sons, ses couleurs. L’autrice évoque bien sûr la condition des femmes au XVIIIe siècle – celle des hommes aussi d’ailleurs – et le pouvoir libérateur de la musique. Romancière et violoniste, elle a voulu parler – et y réussit très bien – du « corps musicien », du corps de celle ou celui « qui grandit avec l’instrument ». Tout est dans les ressentis, dans les sensations et émotions sans étiquette qui assaillent Ilaria et la constituent ; dans les émotions et sentiments de quelques autres personnages aussi, qui forment le très maigre univers de la jeune fille.

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Léonor de Récondo
Le grand feu
Éditions Grasset & Fasquelle
2023
Disponible au Livre de Poche

De la même autrice, notre critique d’Amours

Un avenir radieux

Littérature française
Une brève de Pierre Chahnazarian

Le troisième opus (sur quatre prévus, d’après Lemaitre en interview) de la saga de la famille Pelletier, qui se déroule au cours des Trente Glorieuses, détonne un peu. Après deux formidables tomes (Le grand monde et Le silence et la colère), celui-ci me laisse sur ma faim. Après aussi deux ans d’attente.

Le début est bien, conforme à mes attentes, en tout cas, puis l’auteur s’enlise dans une histoire d’espionnage à Prague qui traîne en longueur. La guerre froide, ce n’est pas sa spécialité.

Bref, pas terrible mais, pour connaître la fin de l’histoire, s’il y en a une, il faudra se procurer le suivant !

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Pierre Lemaitre
Un avenir radieux
Éditions Calmann-Levy
2025

Toutes nos critiques de Pierre Lemaitre sont répertoriées sous son nom dans le classement alphabétique.

De purs hommes

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Littérature francophone (Sénégal)
Par Marie-Hélène Moreau

Voilà un livre qui ne laisse pas indifférent et c’est déjà beaucoup. Traitant du thème délicat de l’homosexualité au Sénégal, il ose bousculer frontalement les hypocrisies et bien-pensances locales ce qui lui a valu son lot de polémiques. Le livre n’a d’ailleurs pas été distribué au Sénégal à sa sortie.

Ndéné Gueye, jeune professeur de lettres ayant étudié en France avant de revenir enseigner dans son pays d’origine, porte un regard déjà désabusé sur son travail. Les rivalités de pouvoir et les idées étriquées qui gouvernent l’université ont eu raison de son enthousiasme. Entre sa famille aisée (son père est pressenti pour devenir Imam) et Rama, sa spectaculaire amante, il s’en accommode néanmoins. Jusqu’au jour où il tombe sur la vidéo virale d’une foule déterrant le cadavre d’un homme accusé d’être un góor-jigéen — un homme-femme, c’est-à-dire un homosexuel –, pour le traîner hors du cimetière. Il n’aura de cesse, à partir de là, de s’interroger sur l’identité de cet homme et sur ce qui peut conduire des hommes et des femmes à commettre un tel acte. Cette quête, qui l’amènera à rencontrer un certain nombre de personnes dont la mère de cet homme, le conduira également à s’interroger sur lui-même.

Critique d’une société sénégalaise qui, écrasée sous le poids des traditions et de la religion, perpétue une forme de déni en accusant trop facilement l’Occident, le roman de Mohamed Mbougar Sarr est en même temps un récit profondément personnel. C’est ce qui fait sa force. Et même si on peut comme moi ne pas être totalement emballé par le style de l’auteur, on ne peut que saluer son immense courage et trouver passionnante cette plongée dans les tabous de la société sénégalaise.

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Mohamed Mbougar Sarr
De purs hommes

Éditions Philippe Rey
2018

Jour de ressac

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Littérature française
Par Sylvaine Micheaux

La narratrice, dont le nom n’est jamais cité, doubleuse au cinéma, la cinquantaine, mariée et maman d’une fille de 20 ans, reçoit un coup de téléphone de la PJ du Havre. Elle est convoquée  pour le lendemain : un homme mort non identifié a été retrouvé sur la plage, avec dans les poches un ticket de cinéma portant le numéro de téléphone de l’héroïne.

Arrivée au Havre où elle a vécu toutes ses jeunes années, elle ne reconnait pas l’homme dont on lui montre les photos, mais ne peut se résoudre à quitter si vite la ville et se dirige vers la plage où on a trouvé le corps. Début d’une intrigue policière ? Pas du tout. Début d’une pérégrination dans la cité de son enfance, car la véritable héroïne est cette ville, grise, rebâtie en béton après sa quasi destruction lors des bombardements alliés de septembre 1944. La plage, la digue nord, le Ponant, le port tentaculaire qui est gangréné par les narcotrafics, et le récit qui part dans tous les sens comme les souvenirs de la narratrice qui petit à petit commence à avoir des doutes sur l’identité du mort… Peut-être celle d’un premier amour qui l’a abandonnée trente ans auparavant.

Ai-je aimé ce roman ? Difficile à dire. Certes, l’écriture est riche et remarquable, mais le déroulé chaotique de l’histoire m’a perturbée et la fin, qui n’en est pas une, tout autant. Quand il y a bien longtemps j’avais visité rapidement le Havre, la ville ne m’avait pas plu, trop grise, trop rectiligne : Jour de Ressac me confirme dans ma vision première.

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Maylis de Kerangal
Jour de ressac
Éditions Verticales
2024

La fille qu’on appelle

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Littérature française
Par Marie-Hélène Moreau

Max Le Corre est boxeur. Un vieux boxeur qui rêve d’un retour sur le ring et s’y prépare contre plus jeune que lui. Pour vivre, il conduit la voiture de fonction du maire de cette petite ville de bord de mer qu’il n’a jamais quittée, contrairement à sa fille Laura. Laura qui revient, justement, et qui cherche un logement alors quoi de plus naturel lorsqu’on est son chauffeur que de demander au maire un petit coup de pouce ? Mauvaise idée.

Chronique désabusée des relations humaines dans lesquelles le pouvoir est mis au service de la satisfaction du plaisir des hommes et où le mépris de classe le dispute au clientélisme politique, le roman de Tanguy Viel est bien dans l’air d’un temps où il est de bon ton de critiquer les politiques et les élites de tous poils en les parant de tous les vices. Un peu facile, sans doute, mais en l’espèce sacrément bien fait. Caricatural ? Peut-être un peu aussi, oui. N’empêche, il y a du style dans ce roman et c’est ce qui rend sa lecture aussi intéressante – presque addictive – même si certains seront sans doute déstabilisés par ces longues phrases qui se perdent parfois au point qu’on doive les relire. Un style indéniable, donc, et un sens certain de la narration et des personnages. Max en boxeur magnifique et déchu, Laura, si jeune, si belle, en proie idéale d’un maire libidineux, Bellec et son costume blanc, en patron de casino peu scrupuleux… Tous, même s’ils peuvent sembler sans surprise tant ils suivent un destin tout tracé, sont chacun à sa manière profondément attachants, hormis le maire, affreux politicard prêt à tout pour satisfaire son plaisir et son ambition. Il passe à travers ce roman le sentiment vague mais entêtant que tout cela ne changera jamais. Un peu désespérant… 

Inclus dans la première sélection pour le Goncourt 2021, ce qui n’est pas rien, La fille qu’on appelle n’aura finalement pas accédé à l’étape suivante. Ce n’est certainement pas une raison pour ne pas le lire !

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Tanguy Viel
La fille qu’on appelle

Les Éditions de Minuit
2021

Ce que je sais de toi

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Littérature francophone
Par Marie-Hélène Moreau

Multiprimé et encensé par une large majorité du public, ce premier roman dispose de nombreux atouts pour plaire au lecteur. Une narration qui s’étale sur près de quarante ans entre l’Égypte et le Québec, une histoire de famille où se mêlent conventions sociales, recherche d’identité, et amours contrariées, le tout servi par une belle écriture et des effets de style qui donnent au roman une indéniable profondeur.

Éric Chacour, né à Montréal de parents égyptiens, nous entraîne tout d’abord dans l’Egypte des années soixante jusqu’aux années quatre-vingt où il dépeint avec subtilité le carcan social dans lequel se débat Tarek, personnage central du roman. Entre carrière professionnelle toute tracée, milieux sociaux profondément inégalitaires et mœurs corsetées, ce dernier s’exilera finalement au Québec pour ne revenir qu’à la mort de sa mère au début des années deux mille.

Tous les sujets évoqués dans le livre – et ils sont nombreux ! – sont passionnants. C’est sans doute là que réside une des clés de son succès. L’Egypte multiculturelle des années soixante, qui peu à peu se referme sur elle-même, donne un cadre historique particulièrement intéressant à la première partie du roman tandis que la description de la famille de Tarek, famille de notables ouverts à la culture, notamment française, éclaire les clivages d’une société en pleine mutation. La seconde partie dans laquelle apparaissent quelques scènes de la vie de Tarek au Québec semble par comparaison moins réussie. Sans doute l’idée est-elle de montrer ici le déracinement causé par l’exil mais je n’ai pour ma part pas été totalement convaincue. J’ai surtout regretté que le cœur du récit, l’histoire d’amour contrariée vécue par Tarek manque de chair et d’incarnation. Cela aurait donné une profondeur supplémentaire au récit qui, selon moi, reste sur cet aspect assez froid et comme distancié.

Malgré ces quelques réserves (qu’une grande majorité de lecteurs ne partagent à l’évidence pas !) Ce que je sais de toi est sans nul doute un roman à découvrir et Eric Chacour un auteur à suivre.

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Éric Chacour
Ce que je sais de toi
Éditions Philippe Rey
2023

Sortir au jour

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Littérature française
Par Anne-Marie Debarbieux

L’autrice a rencontré Gabrielle au cours d’une séance de signatures dans un salon du livre. Elles ont sympathisé, et Gabrielle lui a révélé son métier, peu connu et encore entouré de tabous. Elle est thanatopractrice, c’est-à-dire celle qui prend soin des corps des personnes décédées.

En quête de sens, Gabrielle a abandonné une profession plus gratifiante socialement pour se consacrer aux morts. Son métier est d’être là quand la catastrophe a eu lieu. Il commence quand tout finit. C’est sa manière d’accompagner les vivants. Sa compétence consiste à montrer l’image définitive du défunt, celle que les proches garderont, sans la nier, sans la cacher, mais sous l’angle le plus fidèle et le plus humain possible. Non, elle n’a pas de problème avec ce métier qu’elle a donc choisi, non, elle n’a pas un tempérament morbide, au contraire elle contribue à adoucir la séparation définitive. Elle aide ceux qui restent à en accepter la réalité et à garder une image la plus belle et la plus juste possible de ceux qui s’en vont. C’est un métier qui a du sens.

Ce livre très court, à la fois intimiste et émaillé de réflexions plus générales, alterne les conversations entre Gabrielle et Amandine Dhée et des passages consacrés à la vie de l’autrice, à sa vie de maman, à ses questionnements. Il n’est pas triste car la gravité du sujet n’exclut pas l’humour et la sérénité. Il est humain avant tout et nous dévoile une profession qui reste dans l’ombre et suscite une certaine répulsion, même si nous sommes en admiration devant les momies égyptiennes qui nous rappellent que le soin des morts ne date pas d’aujourd’hui.

Amandine Dhée a obtenu pour ce livre le prix « Talents de femmes » de l’association Soroptimist de Béthune.

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Amandine Dhée
Sortir au jour
Éditions La Contre Allée
2023

De la même autrice, notre critique de La femme brouillon.

Les Terres animales

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Littérature française
Par Marie-Hélène Moreau

Laurent Petitmangin avait su largement séduire avec Ce qu’il faut de nuit, récit bref et dépouillé d’un père élevant seul ses deux fils. Premier roman couronné à juste titre de plusieurs prix et traduit dans de nombreuses langues, il révélait un talent certain de l’auteur pour la description brute de ses personnages.

Ici, quatre personnages principaux qui ont décidé contre vents et marées de rester vivre sur leurs terres dévastées par un accident nucléaire. La zone a été évacuée, fermée, les autorités ont tout tenté pour convaincre les derniers récalcitrants de fuir, avant de les laisser à leur sort, se contentant de faire survoler la zone par des drones au cas où. À l’extérieur, la vie semble avoir repris son cours. Le récit alterne les points de vue de deux des protagonistes, leurs espoirs malgré une issue fatale et probablement rapide, leur lutte pour survivre au quotidien et garder un tant soit peu de joie, leurs relations avec quelques voisins eux aussi restés là et, en creux, la folie qui guette.

Récit post-apocalyptique centré sur la résilience humaine, l’histoire est certes dans l’air du temps. L’ensemble aurait pu être profond et puissant, mais j’ai peiné à entrer dans le jeu. Passons sur le caractère plus ou moins vraisemblable de la situation – après tout, n’est-ce pas tout l’intérêt de la littérature que de nous entraîner parfois hors du réalisme ? -, le problème est plutôt du côté de ces personnages dans lesquels j’ai eu du mal à me projeter, les confondant presque par moment. Sans doute manquent-ils de profondeur, eux ou les interactions entre eux. Bref, l’attachement n’a pas opéré sur moi cette fois. C’est bien dommage. J’attends le suivant !

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Laurent Petitmangin
Les Terres animales
Éditions La manufacture de livres
2023

Un simple dîner

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Littérature française
Par Marie-Hélène Moreau

Lauréat du prix Gisèle Halimi 2023, le roman de Cécile Tlili explore le sujet des injonctions faites aux femmes. Thème maintes fois exploré ces dernières années – et à juste titre tant il est riche –, l’auteure a choisi dans ce court roman de recourir à l’exercice périlleux du huis-clos. Unité de temps – un dîner, donc –, unité d’espace – quasi exclusivement l’appartement où il a lieu –, il aurait été facile de lasser le lecteur. L’auteure parvient cependant sans peine à garder jusqu’au bout son attention grâce non seulement à un style fluide qui rend la lecture aisée mais également à de multiples rebondissements qui maintiennent éveillée sa curiosité.

En deux mots, Étienne, avocat en difficulté professionnelle, et sa compagne Claudia, une kinésithérapeute timide et effacée, reçoivent à dîner un couple de vieux amis à lui. Rémi est un professeur d’économie marié à Johar, une brillante ingénieure de la tech en passe d’être nommée à un poste important. Dans le décor de cet appartement parisien écrasé par la chaleur d’une fin d’été, ces deux femmes qui se connaissent à peine et que tout oppose vont chercher chacune à sa façon à se libérer du carcan que les hommes, mari ou collègue, et plus généralement la société, tentent de faire peser sur elles.

L’exercice aurait été parfaitement réussi si les personnages ne tombaient trop souvent dans une caricature un peu trop appuyée. C’est sans doute ce travers qui fait qu’on peine non seulement à s’attacher aux différents protagonistes – y compris les féminins, ce qui est un comble ! –, mais également à croire complètement à l’enchaînement des révélations de cette soirée. Dommage, car l’ensemble livre une description fine des rapports de domination qui pèsent sur les femmes et propose quelques scènes bien imaginées et décrites.

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Cécile Tlili
Un simple dîner

Éditions Calmann-Lévy
2023

Trouver refuge

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Littérature française
Par Anne-Marie Debarbieux

Dans une France désormais aux mains d’un parti d’extrême droite ultra-conservateur avec à sa tête un homme qui se fait appeler « Papa », Sacha et Mina forment un couple heureux avec leur petite Irène. Tous deux sont des intellectuels opposés au pouvoir en place mais qui restent très prudents dans leurs paroles publiques. Jusqu’au jour où Sacha tient des propos à l’égard du président qui mettent immédiatement sa vie et celle des siens en danger. Il faut fuir et c’est sans hésiter la Grèce que choisit Sacha, vers le mont Athos et ses monastères, lieu de refuge inviolable pour qui demande asile, en principe interdit aux femmes mais Sacha a là-bas un ami sûr. Mais au dernier moment, Mina laisse partir seuls Sacha et Irène déguisée en garçon, et décide de rester en France.

A partir de ce moment, le lecteur suit en chapitres alternés le destin des trois personnages et apprend progressivement pourquoi Sacha est en grand danger : il est détenteur d’un secret dont on découvre peu à peu la teneur.

Le roman prend alors des accents de roman policier et développe un vrai suspense, mais il est par ailleurs émaillé de descriptions des lieux exceptionnels que sont la Grèce et l’Egypte, où Sacha a jadis voyagé, et de références géographiques, culturelles, historiques, religieuses, artistiques, à l’Antiquité et aux monastères grecs. L’auteur nous captive vraiment.

Double plaisir donc à cette lecture où l’on savoure à la fois le plongeon dans le passé et l’intrigant mystère qui menace  la vie de Sacha.

J’ai beaucoup aimé ce roman, je l’ai trouvé très original, même si on peut ici ou là trouver certaines descriptions un peu longues. 

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Christophe Ono-dit-Biot
Trouver refuge

Gallimard 2022
Folio 2024

Lien : Gallimard, entretien auteur/éditeur.

Promis, juré

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Littérature française
Par Sylvaine Micheaux

Une convocation que certains attendent avec envie et que d’autres espèrent ne jamais recevoir, mais à laquelle on ne peut déroger, celle qui fait de vous un juré d’assises, en l’occurrence dans le procès pour meurtre d’une femme ayant tué son patron dans un accès de colère. Trois jurés, Norma, Dylan et Martine, d’âge, niveau social et carrière totalement différents, se retrouvent tous les soirs jusqu’au jugement dans un hôtel proche du Palais de Justice. Ils vont se rapprocher et leur futur en sera définitivement changé.

Roman bien écrit, avec une fin « Feel Good » mais qui a le mérite de soulever cette question : « Peut-on juger de manière objective, en notre âme et conscience, ou sommes-nous forcément influencés par notre propre vécu ? »

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Isabelle Lagarrigue
Promis, juré
Éditions Charleston
2024

Lettre d’amour sans le dire

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Littérature française
Par Anne-Marie Debarbieux

Cent vingt pages, ce n’est pas très long  pour un livre, mais c’est long pour une lettre d’amour surtout quand elle s’achève sur ces mots : « J’espère que vous comprendrez ce que je ne vous dis pas ».

Alice s’adresse à un homme qu’elle a rencontré un peu par hasard en croyant franchir la porte d’un salon de thé. Cet homme n’est pas à proprement parler un thérapeute, il propose des massages japonais et il va lui apprendre, avec un infini respect, à se réconcilier avec son corps, à l’aimer et à s’aimer tout court.

Alice a une histoire douloureuse et compliquée et, même si aujourd’hui elle s’en tire plutôt bien, elle est loin d’avoir pansé toutes ses blessures et d’être délivrée de tous les traumatismes de son passé.

Ce petit livre n’est ni mièvre ni larmoyant, ni voyeur. Il ne verse pas non plus dans la satire sociale, à peine l’effleure-t-il. Il est pudique et cependant très direct quand Alice décrit, par exemple, avec beaucoup de précision, les gestes du masseur qui lui réapprennent à respirer. Il suggère une sensualité qu’Alice redécouvre peu à peu. Au fil des pages elle se raconte, nous fait pénétrer dans son intimité.

Ce petit livre nous plonge aussi dans l’univers de la culture japonaise, où on n’évoque jamais directement l’amour.

C’est original, bien écrit et très attachant.

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Amanda Sthers
Lettre d’amour sans le dire

Éditions Grasset
2020

La maison à droite de celle de ma grand-mère

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Littérature française
Par Marie-Hélène Moreau

Voilà un roman qui prolonge agréablement les vacances tout en gardant un minimum de profondeur.

Giacomo, traducteur d’origine sarde mais vivant désormais à Marseille où il a construit sa vie, rentre sur son île en apprenant que sa grand-mère est au plus mal. Il y retrouve ses parents, bien sûr, leurs éternelles prises de bec et la présence étouffante de sa mère, mais aussi son meilleur ami d’enfance, Fabrizio, atteint d’une maladie incurable, ainsi qu’un vieux capitaine de l’armée dont il va égayer la solitude. Surtout, il retrouve son île et sa mer turquoise, son village aux couleurs pimpantes, l’odeur de la nature et des gâteaux de Manuella, la boulangère.

L’occasion pour l’auteur, lui-même d’origine sarde, de nous proposer ce délicieux séjour en terre sarde qu’il nous fait visiter au gré des déambulations de son héros, entre criques sauvages et monuments préhistoriques. On pourrait s’ennuyer si de menus événements, drôles ou touchants, ne venaient ponctuer la visite, le tout rythmé par les souvenirs, nostalgiques ou tristes, de Giacomo, ainsi que par son impérieuse nécessité de terminer sans tarder la monumentale traduction à laquelle il s’est engagé.

Bref, un agréable moment passé avec l’auteur dans cette île magnifique et, peut-être, une idée pour de prochaines vacances.

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Michaël Uras
La maison à droite de celle de ma grand-mère

Feues les éditions Prélude
Le livre de poche, 2020

Un enlèvement

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Littérature française
Par Marie-Hélène Moreau

Premier contact avec cet auteur connu notamment pour son Entre les murs sur le monde enseignant dont il est issu, transposé avec succès au cinéma. Immédiatement, un grand enthousiasme ! Style épuré, phrases simples et courtes, dialogues minimalistes et hyperréalistes, voilà qui tranche avec certains auteurs cherchant à en mettre plein la vue avec des phrases emberlificotées et des descriptions à rallonge. 

Les Legendre, famille parisienne aisée, sont en vacances dans une résidence haut de gamme de Royan. La mère, consultante en communication de crise et par ailleurs adepte de yoga, met un point d’honneur à maîtriser paroles et comportements. Le père lui, cadre dans la finance, suit à la seconde près, au moyen de diverses applications, le programme sportif qu’il s’est fixé, tandis que sa fille, collégienne douée et un brin agaçante, démarre visiblement une crise d’adolescence. Seul le fils de six ans semble rétif à tout apprentissage, au grand désespoir de ses parents.

La description du quotidien estival de cette famille a priori banale est tout à fait réjouissante, entre atelier d’éveil pour le petit, courses bio obligatoire et dîner chez des amis tout aussi aisés qu’eux. Réjouissante et sarcastique, l’auteur multipliant les anecdotes dont certaines franchement drôles. Cette description pourrait même tomber dans la caricature, voire la répétition, si le livre était plus épais et si ne survenaient rapidement quelques événements de nature à gripper la machine merveilleusement huilée des Legendre.

Bien au-delà de la critique d’une certaine classe sociale, le livre de François Bégaudeau livre une réflexion subtile et originale sur la liberté. C’est en tout cas l’une des lectures que l’on peut en faire. À découvrir !

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François Bégaudeau
Un enlèvement

Éditions Verticales
2020

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