Dans les brumes de Capelans

Olivier Norek, Dans les brumes de Capelans, Michel Lafon, 2022

— Par Catherine Chahnazarian

Olivier Norek livre ici un excellent roman. Les vingt premières pages – qui constituent le prologue –, une saisissante affaire de disparition, laissent sidéré tant elles sont fortes et belles. L’esprit en éveil, les sens à vif, on se retrouve alors loin de la Métropole, dans un climat hostile, sur l’île de Saint-Pierre, au milieu de l’océan, dans une maison en bord de falaise. Et on a peur de tomber.

Chapitre après chapitre, on prend de plein fouet le suspense et la violence, cherchant ce qui relie les éléments qui s’accumulent, craignant parfois de comprendre, à la fois admiratif du style et impatient de tourner la prochaine page. Entre crime et protection, prédation et innocence, vérité et mensonge, dans un brouillard à couper au couteau, on suit le capitaine Coste, bourru, taiseux, désagréable au possible avec les uns, adorable voire imprudent avec les autres. Il oscille entre obéissance aux ordres et libre arbitre, penchant plutôt pour ce dernier lorsque l’auteur, redoutablement habile en imprévus, malmène son professionnalisme et sa sensibilité.

Mais Norek ne se contente pas de nous raconter une histoire ébouriffante : il nous ouvre le monde des flics de la police judiciaire, sordide (c’est un euphémisme), nécessitant pour le moins une intelligence affûtée et des nerfs d’acier. Il invente une intrigue mais il ne nous ment pas — un néo-naturalisme parfaitement maîtrisé. Remarquable. À dévorer.

Catégorie : Policiers et thrillers.

Liens : chez l’éditeur ; tous nos articles sur Olivier Norek sont accessibles depuis le classement alphabétique, ici.

Impact

Olivier Norek, Impact, Michel Lafon, 2020

— Par Catherine Chahnazarian

J’avais tellement aimé Entre deux mondes que j’attendais avec impatience un nouvel opus de cet auteur doué et courageux. Impact, malheureusement, me laisse perplexe. Le combat écologique, thème du récit, est évidemment difficile à critiquer : le réchauffement climatique est une catastrophe, le nier est une folie, il y a urgence et la plupart des humains font l’autruche ou ne parviennent pas à changer de modèle de comportement. Mais, pour moi, un roman doit être un roman, il ne peut pas être composé d’une suite de réquisitoires et de plaidoyers, ni d’explications qui remplacent l’action. J’ai toujours trouvé illisibles les romans qui expliquent au lieu de raconter et qui ne savent pas faire confiance à l’intelligence du lecteur. De plus, après un excellent début, je ne me suis finalement attachée à aucun personnage, je n’ai cru ni à l’un ni aux autres. Sans doute parce que l’intrigue est régulièrement interrompue par des tableaux, forts, justes et très bien écrits, mais qui font que je me suis demandé à quoi j’avais affaire. Je ne pense pas qu’il faille nécessairement respecter règles et traditions mais qu’il faut éviter les brouillages contre-productifs. Romanesquement, on est donc, à mon sens, en-deçà de ce qu’Olivier Norek avait produit jusqu’ici. Une fois de plus, je me dis que l’éditeur a été trop pressé de vendre et l’auteur trop pressé d’en finir. Norek aurait pu nous toucher, nous faire peur, nous culpabiliser avec une bonne histoire moins ambitieuse et moins explicite. Ç’aurait été un meilleur roman, et surtout un meilleur message (lisez ses premiers livres, et puis surtout Entre deux mondes, preuve de ce qui aurait pu se passer avec Impact). Cela dit, Olivier Norek est un connaisseur lucide d’une société que nous avons l’habitude de ne pas regarder de trop près, pas sous toutes les coutures, pas trop là où ça pique aux yeux. Je reste admirative et pleine de respect.

Catégorie : Policiers et thrillers.

Liens : Impact chez l’éditeur ; nos autres critiques de Norek à la lettre N du classement par auteur.

Noël 2020 – Quels livres offrir ? Quelques conseils pour ne pas vous tromper

— Par Florence Montségur

Offrir un livre, oui, mais attention ! Par les temps qui courent, mieux vaut marcher sur des oeufs.

D’ailleurs, commençons par les livres de cuisine. Quelle abondance de recettes véganes ou minceur ! Évitez. Quand on est confiné, on bouge moins, on prend du poids… Ne prenez pas le risque de le/la vexer. Offrez-lui un livre de chef ou de cheffe, comme le tout récent livre d’Hélène Darroze ou celui de Stéphanie Le Quellec.

Attention aussi aux beaux-livres. En particulier ceux dont on lit surtout les images (!) et qui nous vantent la beauté de paradis sur Terre (ou ne serait-ce qu’en France)… paradis qu’on n’aura pas de si tôt la possibilité de visiter. Réservez les beaux-livres aux optimistes ! Par exemple Wildlife Photographer of the Year 2020, belle édition des 100 meilleures photographies de la nature sauvage sélectionnées par le jury du concours du même nom (Londres). Ci-dessus, « L’étreinte », de Sergey Gorshkov (tigresse de Sibérie). Nous, nous n’en sommes pas encore là, mais peut-être que dans quelque temps…

Méfiez-vous également des livres supposés correspondre à ses goûts. Elle aime la danse, oui, mais un livre sur la danse lui rappelle que ses pointes sont au clou parce que l’école est fermée. Ne retournez pas le couteau dans la plaie. Surtout que quand elle fait des entrechats dans l’appartement, les voisins du dessous rouspètent. Proposez aux jeunes ce livre sur Matisse qui les encouragera peut-être à peindre et à faire de savants collages. À partir de 8 ans. Les voisins du dessous devraient vous remercier.

Pour les intellectuels, il y a beaucoup de biographies de qualité qui sont sorties cette année. Attention cependant ! Comme les intellectuels lisent déjà beaucoup et encore plus quand ils sont confinés, assortissez votre cadeau de quelque chose de vivant. Par exemple, déclamez du Baudelaire en offrant l’excellente biographie de Jean Teulé. (Répétez bien avant de vous lancer.)

Enfin, attention aux livres amusants, recueils de blagues, enfileurs de perles et autres bêtisiers. Réservez-les uniquement à ceux qui n’ont pas internet ou boycottent les réseaux sociaux, parce que les autres en ont soupé (le covid, le président des États-soi-disant-unis…). Offrez plutôt un album qui plongera votre lecteur dans un univers délicieusement régressif, amusant et touchant, comme celui du Petit Spirou. Et là, vous pouvez être thématique :

Sinon, s’il ou elle a le coeur bien accroché et des convictions profondes, offrez-lui Impact, d’Olivier Norek.

Les livres dont il est question dans cet article peuvent être commandés chez un libraire.

Surtensions

Olivier Norek, Surtensions, Michel Lafon, 2013 (disponible en Pocket)

Par Sylvaine Micheaux.

Voici le dernier opus de la trilogie d’Olivier Norek basée sur Victor Coste et son équipe, de la police judiciaire de la Seine St Denis (93).

Après les banlieues, nous plongeons dans l’univers carcéral, monde où il ne fait pas bon vivre, surtout si vous êtes jeune et faible, car très vite vous devenez la « poupée » ou le punching-ball des gros bras qui mènent la danse. Et c’est le cas de Nunzio, petit braqueur de bijouteries de luxe qui s’est fait prendre bêtement avec la montre d’un casse au poignet. Sa sœur Alex, chef de la bande, n’a de cesse de faire sortir son frère de prison car elle sait que moralement il n’y tiendra pas longtemps.

Victor Coste ne va pas bien, il envisage sa démission de la PJ après quinze années de bons et loyaux services, après avoir vu tant de crimes et de noirceur qu’il n’en peut plus. Mais l’enlèvement d’un ado, suivi d’une bévue de la BRI, le remettent pour un temps en selle. L’auteur du rapt se retrouve rapidement en prison. Quel rapport entre Nunzio le petit braqueur, le responsable du rapt, un tueur serbe, un pédophile et un assassin qui crie son innocence, tous emprisonnés au même endroit ?

De nouveau Norek nous offre un polar haletant, plein de tensions, où toutes les histoires s’imbriquent petit à petit : vous savez, l’effet papillon. L’écriture est toujours fluide et on sent l’exactitude de l’ancien flic. Et dans l’attitude de Coste le héros, dans ce livre sombre et intense sur l’état des prisons et de la justice, on sent les questionnements de l’auteur.

Du très bon polar.

Catégorie : Policiers et thrillers.

Liens : chez l’éditeur ; en Pocket. Voir aussi nos critiques de Code 93Territoires, Entre deux mondes et Surface. De manière générale, toutes nos lectures d’un auteur sont accessibles depuis le classement alphabétique.

Territoires

Olivier Norek, Territoires, Michel Lafon, 2014 (disponible en Pocket)

Par Sylvaine Micheaux.

Ce roman est le second de la trilogie débutant par Code 93.

La brigade des Stups est en train d’effectuer sa dernière planque de surveillance d’un jeune caïd, dealer de banlieue, quand celui-ci est assassiné sous leurs yeux. Dans la foulée, les 2 autres dealers locaux sont, l’un, abattu, et l’autre, mort après avoir été torturé. Pas de doute, c’est le début d’une guerre de » Territoires » dans les cités d’une ville de Seine St Denis. L’équipe de Victor Coste reprend du service. La mort, dans une des tours de la cité, d’une vieille dame bien sous tous rapports serait-elle liée au trafic ?

De nouveau on se trouve face à un polar passionnant qu’on ne lâche plus. Car en plus de l’enquête, il y a la plongée dans les services de police affectés à ces cités difficilement contrôlées. On découvre comment la maire d’une ville pauvre, où ont été construites des cités peuplées de familles et de jeunes qui n’ont quasi plus ni espoir ni réel avenir, peut acheter une certaine paix sociale. Comment se faire malgré tout réélire quand le taux d’abstention dans le 93 est le plus élevé de France. Comment une émeute, qui peut se déclencher en quelques secondes telle une trainée de poudre, peut  parfois être utile à la municipalité.

On sent qu’Olivier Norek a bien été confronté à tout cela. Et le constat est dérangeant et limite effrayant. Après une telle lecture, je ne regarderai plus les reportages sur les banlieues chaudes de la même manière.

Ce roman peut être lu indépendamment du premier, Code 93 ; l’équipe de policiers est la même, mais l’intrigue est tout autre.

Catégorie : Policiers et thrillers.

Liens : chez l’éditeur ; en Pocket. Toutes nos lectures de Norek sont regroupées à son nom dans le menu « Classement par auteurs ».

Code 93

Olivier Norek, Code 93, Michel Lafon, 2013 (disponible en Pocket)

Par Sylvaine Micheaux.

Code 93 est le tout premier roman d’Olivier Norek, et le premier d’une trilogie composée aussi de Territoires et Surtension. Olivier Norek a été très longtemps policier, capitaine de la PJ du 93 justement (Seine St Denis), donc c’est peu de dire qu’il connaît son sujet et que tout sent le vrai et le vécu.

L’équipe du Capitaine Coste de la brigade criminelle du 93 est confrontée à des cas incroyables : un cadavre criblé de 3 balles se réveille en pleine autopsie ; un toxico meurt d’étranges brûlures… L’enquête démarre sur les chapeaux de roue, et il ne nous en faut pas plus pour ne plus lâcher ce roman. On plonge dans le quotidien d’une brigade de banlieue, dans un département où le taux de délinquance est l’un des plus élevés de France. Le ou les tueurs jouent au chat et à la souris avec les flics. Et qu’est ce code 93 qui apparaît sur de vieux dossiers sortis de la procédure judiciaire ? Pourquoi des hommes de pouvoir essaient-ils de minimiser ce fameux code ? D’ailleurs, que faire de la Seine St Denis, département limitrophe qui va faire partie du grand Paris, mais dont la précarité et la criminalité le coupent de son illustre voisine ?

Certes ce premier roman présente quelques faiblesses : certaines explications pourraient être un peu plus poussées, certaines tournures de phrases améliorées, mais c’est un sacré bon premier polar, avec une vraie toile de fond, des personnages réalistes, et la vérité finale fait froid dans le dos.

Catégorie : Policiers et thrillers.

Liens : chez l’éditeur ; en Pocket. Toutes nos lectures de Norek sont regroupées à son nom dans le menu « Classement par auteurs ».

Surface

Olivier Norek, Surface, Michel Lafon, 2019

Par Brigitte Niquet.

Surface… On peut a priori rêver d’un titre plus attractif, surtout pour un polar. Pourtant, au fil de la lecture, on comprend combien ce choix est judicieux : si l’on excepte son acception mathématique, tous les sens propres et figurés du mot pointent, en effet, le bout de leur nez à un moment ou à un autre.

Qu’y a-t-il donc sous cette surface ? Pour faire bref, c’est l’histoire du capitaine Noémie Chastain, en poste au Quai des Orfèvres, à la Brigade des stups. Respectée sinon aimée de tous, elle adore son métier. Mais lors d’une opération presque routinière, elle se fait flinguer par un dealer qui lui balance une décharge de plombs en plein visage. Fin du prologue. Noémie ne sera plus jamais Noémie, elle fait partie désormais des « gueules cassées » et se rebaptise No, une manière comme une autre d’exprimer son refus de ce qui lui arrive.

Pour ne rien arranger, on découvre dans une première partie intitulée « En pleine tête » que loin d’être couverte d’honneurs, No, trop dérangeante, se retrouve mutée « provisoirement » dans un village au fin fond de l’Aveyron, soi-disant pour auditer un commissariat qui ronronne dans l’inaction. Il faut avouer que cette première partie ronronne un peu, elle aussi, et semble longuette, bien qu’elle n’occupe qu’une cinquantaine de pages. Elle fait penser aux scènes « d’exposition » dans les tragédies classiques. Nécessaires, sans doute, mais un peu fastidieuses quand même. Heureusement, il reste 400 pages, 400 pages menées tambour battant et divisées en trois parties : « En pleine campagne », « En pleine tempête » et « En plein cœur » (titres suffisamment évocateurs, peut-être, pour se passer de commentaires), 400 pages qui, elles, se dévorent d’un trait. Sur un rythme haletant, on y suit No qui, loin de se laisser placardiser, s’en va-t-en guerre, galvanisant ses nouveaux collègues, surtout lorsque refait surface une ancienne affaire datant de 25 ans (la disparition restée inexpliquée de trois enfants) que tout le monde avait, semble-t-il, oublié ou feint d’oublier, et qu’elle n’aura de cesse d’élucider.

Y parviendra-t-elle et s’ouvrira-t-elle ainsi la voie vers une possible reconstruction ? C’est tout l’enjeu de ce suspense dont l’auteur a bien mérité sa récente notoriété. Outre l’originalité de son intrigue et l’empathie manifeste qu’il éprouve pour son héroïne et nous fait partager, certaines scènes, comme l’incendie de la grange où  sont enfermés de nombreux animaux, sont des morceaux d’anthologie.

Catégorie : Policiers et thrillers.

Liens : chez l’éditeur. Voir aussi notre critique d’Entre deux mondes. Toutes nos lectures de Norek seront regroupées à son nom dans le menu « Classement par auteurs ».

Entre deux mondes

Olivier Norek, Entre deux mondes, Michel Lafon, 2017

Par Sylvaine Micheaux.

Mon premier coup de cœur 2018, ou plutôt mon premier coup de poing.

Son auteur, Olivier Norek, est flic dans la vraie vie. Il y a deux meurtres et les héros sont deux policiers : syrien et français. Mais ce livre est vraiment tellement plus ! Il risque de modifier tellement nos certitudes et nos opinions. Il est puissant, dur à lire, mais on ne peut pas le laisser.

Adam est un policier syrien mais fait partie d’un mouvement anti-Bachar el Assad. Sentant son arrestation proche, il envoie sa femme bien aimée et sa petite fille en France, via la Libye ; il les suivra dès que possible et les retrouvera à Calais, dans la Jungle, pour un passage vers l’Angleterre. Lorsqu’il arrive à Calais, il cherche sans relâche son épouse et sa fille… Bastien est un lieutenant français qui vient d’être muté sur Calais, à sa demande, pour aider son épouse dépressive suite au décès de son père. Il a également une fille, une jeune ado. Je n’en dirai pas plus.

Nous plongeons dans le quotidien de la Jungle, des policiers et CRS de Calais. Personne n’est tout blanc, personne n’est tout noir (sans mauvais jeu de mots) : pas de gentils policiers et de méchants migrants ou l’inverse, mais un monde dur et réel… On sent que l’auteur connaît profondément le sujet. Il nous fait un récit noir, précis, honnête. Entre deux mondes.

A lire à tout prix.

Catégorie : Policiers et thrillers (France).

Liens : chez l’éditeur ; interview d’Olivier Norek sur RTL.

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