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Littérature française
Par Catherine Chahnazarian
Ouf ! que je me suis dit, elle n’a pas définitivement abandonné le commissaire Adamsberg ! Et je me suis aussitôt plongée dans ce nouveau roman, trop heureuse de retrouver ses personnages principaux, et en me disant : C’est marrant, elle aime la Bretagne, Fred Vargas.
Pourtant, malgré mon enthousiasme, vers la moitié ou aux deux tiers du livre, j’ai commencé à faiblir. D’abord, les décors et les personnages étant dans ma tête, ils sont et resteront beaux pour toujours (rappelons-nous d’être poétiques à nos heures, d’extravaguer, de nous raconter des histoires pour mieux appréhender la réalité). Mais aurais-je aimé et compris les rencontres, la complicité, apprécié le rôle de chacun si je ne les avais pas déjà connus (du moins pour l’équipe d’Adamsberg) ? Ensuite, l’histoire est bien conçue, avec ses déviations, ses maigres réussites et ses échecs, l’espoir qu’on nourrit, la crainte aussi. Mais ce n’est pas possible, ce roman n’est pas fini ! Il y manque une couche ou deux : resserrer ici, supprimer les explications qui vont générer des redites, bien asseoir la personnalité des nouveaux personnages, gérer les problèmes de temporalité, éliminer ou mieux amener telle grosse facilité, revoir quelques formulations ambiguës, s’assurer d’avoir toujours orthographié les noms de la même façon, corriger les dernières coquilles… Comment est-il possible qu’à ce niveau de talent d’un côté (l’autrice) et de savoir-faire professionnel de l’autre (l’éditeur), ils en soient arrivés à nous livrer un travail qui n’est pas abouti ?
Je suis à la fois ravie d’avoir retrouvé des personnages que j’aime et une atmosphère familière, faite de gens un peu décalés, de confiance et d’amitiés rassurantes, de lieux propres au mystère, à cheval entre aujourd’hui et un hier ancestral imprégné de croyances… et déçue de savoir que, vu le nombre d’exemplaires tirés d’office, j’ai lu la version définitive.
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Fred Vargas
Sur la dalle
Éditions Flammarion
2023


