Dans une coque de noix

Ian McEwan, Dans une coque de noix, Gallimard, 2017

Par François Lechat.

Sans doute le livre le plus audacieux de l’année, et le moins réaliste qui soit. C’est que le narrateur est un fœtus dans le ventre de sa mère, quelques semaines avant son accouchement. Autant dire que les scènes sont rares qui nous permettent de croire à ce qu’il raconte, puisqu’en toute rigueur il ne devrait rien pouvoir nous communiquer. Par éclairs, pourtant, on y croit, et on rend grâce à l’auteur d’avoir été le premier (à ma connaissance) à évoquer certains aspects délicats de la condition fœtale, qui nous valent d’inoubliables morceaux de bravoure. Mais, comme on s’en doute, McEwan ne cherche pas la vraisemblance, et prend même un malin plaisir à la narguer : il fait de son fœtus l’être le plus cultivé qui soit, au motif assez amusant que de nos jours, une mère accro à la radio et aux autres moyens de communication permet à son bébé de s’informer de l’état de la planète entière et d’ingurgiter un nombre infini de connaissances – d’où, autre morceau de bravoure, un saisissant exercice sur les raisons d’espérer ou de désespérer de l’humanité, en deux brillants digests du tout-venant médiatique. Et, pour faire bonne mesure, l’auteur ne se prive pas de doter son héros de talents télépathiques ou de rayons X, puisqu’il semble y voir autour de lui comme s’il était déjà sorti du ventre maternel. Vous aurez compris que le vrai sujet du livre n’est pas la vie d’un fœtus mais la comédie humaine, menée ici sur un ton grinçant où dominent les thèmes shakespeariens de la jalousie, du meurtre et de la vengeance, auxquels McEwan ajoute une dose d’enquête policière. C’est brillant, surprenant, plutôt passionnant, et franchement drôle grâce à un personnage qui incarne la bêtise comme on l’a rarement vu. Mais il y a un prix à payer :  ce livre s’oublie aussitôt refermé, car s’il épate son lecteur il est trop désinvolte pour toucher en profondeur. Il n’empêche, il faut l’essayer.

Catégorie : Littérature étrangère anglophone (Royaume-Uni). Traduction : France Camus-Pichon.

Liens : chez l’éditeur.

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