Jenni Fagan, Les buveurs de lumière, Métailié, 2017
Par François Lechat.
Un des romans les plus originaux de l’année, en raison notamment de son point de départ. En 2020, les bouleversements climatiques conduisent à un hiver d’une rigueur extrême, avec – 6° dès novembre et – 56° en mars. Et pas en Finlande : dans un coin reculé de l’Ecosse où vient de s’établir Dylan, un géant débonnaire qui a dû fermer son petit cinéma d’art et d’essai à Londres pour s’installer dans la caravane héritée de sa mère. On devine déjà la double ligne suivie par l’auteure : l’aventure climatique d’une part, l’aventure humaine d’autre part. La première nous vaut de belles pages, avec quelques passages poétiques, mais m’a paru assez curieuse : on s’affole quand il ne fait que – 6°, alors que les conséquences des – 50 ° semblent assez limitées. La seconde aventure, par contre, est menée de main de maître. Les personnages secondaires créent un arrière-fond pittoresque : une communauté villageoise et de caravaniers qui compte un taxidermiste, une ancienne actrice de porno, un couple de satanistes, des religieuses de bonne volonté… Les héros, eux, ne sont que trois mais ils crèvent l’écran. Dylan donc, qui ne se remet pas d’avoir vu une femme cirer la lune et d’avoir dû transporter les cendres de sa mère et de sa grand-mère de façon peu orthodoxe (c’est hilarant et tragique à la fois) ; Constance, une survivaliste aussi séduisante que débrouillarde, qui défend sa liberté et son enfant bec et ongles ; et l’enfant, Stella, 13 ans, qui à 12 ans encore portait le nom de garçon donné à sa naissance et qui, on s’en doute, va au-devant de bien des difficultés pour faire admettre son nouveau genre. Ils sont tous les trois épatants, humains, pleins d’intelligence et de sensibilité, embarqués dans des relations instables car Constance a deux amants, Dylan un secret de famille et Stella du bagout à revendre – sa mère essaye d’ailleurs encore de lui faire mettre des sous dans la tirelire à chaque gros mot. Ne laissez pas passer cette histoire traversée d’éclairs de poésie, de fantaisie et de folie, où l’on n’a jamais eu si peur de voir des vaches monter une colline.
Catégorie : Littérature étrangère anglophone (Ecosse). Traduction : Céline Schwaller.
Liens : chez l’éditeur.
Le buveur de lumière est un moine des Orcades, seul survivant de sa communauté. Lors d’un hiver implacable, il a gravi le plus haut sommet de son île, et, le visage tourné vers le ciel a absorbé toute la lumière possible. On l’a retrouvé, bien plus tard. Son corps resplendissait, rendant au ciel les clartés qu’il lui avait empruntées.
Roman d’anticipation fort proche : on est au Nord de l’Angleterre, vers … 2020. La planète entière ploie sous l’amoncellement de neige. Dylan a quitté Londres, après les décès de sa grand-mère et de sa mère, au cours d’une même semaine. Il a emporté leurs cendres afin de les disperser dans les îles Orcades. Il s’arrête cependant en chemin, dans une aire de caravanes occupées à l’année. Sa mère y en possédait une. Il rencontre ses fantasques voisines : Constance et Stella, son adolescente de fille, née garçon. Entre elles et lui l’amour s’en vient. Or Dylan découvre dans un carnet de sa mère, qu’ils sont bien plus proches encore qu’il pourrait le croire. Elles, lui, et l’étrange Alistair – père de Stella. Cependant la température continue de baisser, vertigineuse à présent. Le pays se vitrifie sous la glace.
Pas mal, sans plus. Mais un très joli portrait de la gamine trans.
Ce roman figure dans la sélection 2019 du prix du meilleur roman des lecteurs de POINTS.