Aurélie Filippetti, Les idéaux, Fayard, 2018
Par François Lechat.
Si vous avez aimé la ministre Filippetti, ou la frondeuse opposée à la politique de François Hollande, vous aimerez peut-être son roman. Sinon, vous risquez de caler après quelques dizaines de pages.
C’est que ce « roman », comme il est précisé sur la couverture, n’en est pas vraiment un, ou à peine. Certes, il raconte bien, par moment, et de manière anonymisée, l’histoire d’amour secrète qu’Aurélie Filippetti a entretenue pendant plusieurs années avec un député de droite, et c’est très sympathique, parfois touchant. Mais, si ce thème monte en puissance au fil des chapitres, il reste très secondaire : il faut 150 pages pour qu’un premier rebondissement surgisse dans cette trame amoureuse. Le reste, tout le reste, est politique – au sens noble du terme, mais politique. L’essentiel du propos tient dans les réflexions – subtiles, intelligentes et sensibles – d’Aurélie Filippetti sur les pratiques politiciennes, l’état de la démocratie, les jeux de pouvoir, la grandeur de la fonction parlementaire, la patrie, la prise de contrôle de la France par les technocrates et les forces de l’argent… Dans ce registre, le livre ne manque pas d’intérêt, loin de là. Il offre des formules frappantes, des raccourcis saisissants, des analyses sans concession, et fait preuve d’une grande force pour rendre compte du point de vue des sans-grade, du monde du travail, des précaires : Emmanuel Macron gagnerait à le lire. Mais il développe ce propos dans une langue si travaillée qu’elle en devient parfois un peu lourde, voire obscure, et il n’évite ni les effets de manche (dans les dialogues) ni les envolées lyriques.
A moins de lui être hostile, on ne peut que sympathiser avec la réflexion d’Aurélie Filippetti, qui est d’une totale honnêteté intellectuelle : elle assume ses valeurs et ses positionnements, et son plaidoyer donne à réfléchir. Mais on se demande si le procédé est bien choisi : peut-être aurait-il mieux valu écrire un essai ? Cela aurait entraîné une perte, sans doute : nous priver du plaisir de deviner qui est visé derrière tous ces personnages politiques dont l’auteur ne donne jamais le nom (sauf de Gaulle, à une seule reprise), ce qui en fait des archétypes plus grands que nature. Il n’empêche : malgré son charme, et le respect qu’il inspire, ce « roman » semble bel et bien manqué. A réserver aux curieux, ou aux inconditionnels de l’auteure.
Catégorie : Littérature française.
Liens : chez l’éditeur.
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