Ingrid Seyman, La petite conformiste, Philippe Rey, 2019
Par Catherine Chahnazarian.
Le titre de ce bon petit livre, attirant mais bien mal choisi, focalise sur sa première intention alors qu’il ne s’y réduit pas, loin s’en faut. La légèreté de ton et, il est vrai, des personnages qui peuvent d’abord paraître stéréotypés, laissent alors penser que l’on a compris, dès les premières pages, l’essentiel de la démarche : une petite fille trouve sa famille trop excentrique. Or l’auteure épaissit progressivement les caractères, déroule avec finesse le récit de l’enfance d’Esther, la narratrice, et multiplie intelligemment les propos. Dans un décor et une ambiance typiquement marseillais – ce qui n’enlève rien à la dimension générale du livre –, Esther subit, observe, pense, désire, ressent, décide, espère, apprend. Interpelée par la psychologie, les comportements, les styles de vie de sa mère, son père, ses grands-parents paternels et ses copines de classe, Esther jette sur sa famille et sur le monde un regard plein d’une attendrissante et truculente lucidité. L’auteure pose, avec juste ce qu’il faut d’humour, une intrigue réaliste sur un esprit de petite fille ; et elle termine puissamment, très puissamment.
Mieux vaut ne pas lire la quatrième de couverture, qui en dit trop, et s’emparer simplement de ce court roman (189 pages) qui se lit d’une traite avec un intérêt croissant.
Catégorie : Littérature française.
Liens : chez l’éditeur.
Je partage ces éloges, sauf sur un point. Un des coups de théâtre, vers la fin, enferme un des personnages dans une qualification réductrice, qui ne me paraît pas justifiée au regard du récit. Pour le dire positivement, ce personnage va bien au-delà, et est plus intéressant, que l’étiquette qui lui est subitement accolée. Mais cela n’a guère d’importance : ce roman mérite d’être lu tant il est vif, subtil, drôle et grinçant à la fois. Pas un chef-d’œuvre, mais un vrai plaisir de lecture.