Cloé Korman, Midi, Seuil, 2018
Par Dominique Bernard.
Un roman qui révèle avec grâce la difficile confrontation de l’amour, de la réalité et de l’illusion.
Marseille, été 2000. Deux étudiantes de 20 ans, Claire et Manu, viennent de Paris animer un stage de théâtre pour enfants, encadré par Dom, 28 ans. Il s’agit de mettre en scène un passage de La Tempête de Shakespeare :
Le duc de Milan, Prospero, déchu et exilé par son frère, se retrouve avec sa fille Miranda et d’autres naufragés sur une île déserte. Pouvoir, liberté, amour, lequel sortira vainqueur ?
Dès le premier jour du stage, les deux étudiantes tombent sous le charme de Dom et de son « sourire astral ». Malgré cet aveuglement (« l’obsession que j’avais de lui » dira Claire), les deux filles repèrent Joséphine, qui ne parle pas et reste à l’écart du groupe. Cette petite fille hérite, évidemment, du rôle du méchant dont personne ne veut, et aura, évidemment, un costume de monstre. Plusieurs incidents leur font deviner le drame de Joséphine, qu’elles veulent signaler aux services sociaux, mais Dom refuse.
La grâce naît du charme des jeunes animateurs et du groupe. Les animateurs encouragent chacun des enfants, ils les consolent, les rassurent, leur donnent confiance. Ils se mettent à hauteur d’enfant et sont touchés par « la tendresse dans chaque point de la jupe » du costume fabriqué par une maman.
La grâce vient aussi de l’écriture, car le récit est écrit avec la distance de l’âge adulte : quinze ans après les faits, lorsque Manu et la narratrice sont mariées et mères de famille. Le passé resurgit pour Manu et Claire qui se retrouvent : « On est arrivées ce soir en un lieu que nous avons soigneusement évité pendant des années. Celui où nous nous sommes peut être séparées pour éviter de nous dire ce que l’une savait, ou ce que l’autre ne voulait pas savoir ». La culpabilité est magiquement mise en image.
Pourquoi « Midi » ? Peut-être pour la lumière du sud et l’éblouissement d’un amour de vacances. Peut-être parce que le récit est écrit au midi de l’âge des protagonistes, quand la prise de conscience des erreurs fait basculer vers l’âge adulte. Et parce que « Midi le juste » vient sonner l’heure de payer le prix. « Certaines dettes sont trop élevées pour qu’on en vienne jamais à bout ».
Catégorie : Littérature française.
Liens : chez l’éditeur.
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