Emilie Pine, Notes à usage personnel, Delcourt, 2019
Par Jacques Dupont.
À la fin du livre, j’avais le sentiment d’un long article d’un journal féminin, pas mal, un peu banal, facile peut-être. Et puis, un ami m’a dit que sa sœur avait fini par lâcher que, bourrée, elle avait eu un rapport non consenti avec un gars qu’il connaissait : ils étaient les meilleurs amis. Le lendemain, le garçon lui avait présenté ses excuses, et elle avait répondu : « Ce n’est rien ». Voilà ce que, dix ans après, elle ne se pardonnait pas. J’ai alors repensé à Emilie Pine que je venais de terminer. Notes à usage personnel n’est pas un journal, l’auteure considère plutôt qu’elle a écrit une série d’essais. L’un d’eux évoque un viol, dans une séquence de vie où, gamine en rébellion, elle vit de manière dangereuse et en paie le prix. Le prix n’étant pas le viol, mais « je ne vaux rien », qui prétend que « je vais bien » jusqu’à le croire vraiment, et presque parvenir à me le faire croire à moi, lecteur.
Le livre s’ouvre sur une séquence émouvante, lorsque son père manque de mourir d’alcoolisme ; il y a ensuite la séquence « Les années bébé » ; les parents divorcés, « Se parler ou pas » ; « Saigner et autres crimes » … Les Notes forment un livre éminemment féministe, écrit par une femme « fatiguée d’être féministe », fatiguée de « voir que c’est aux femmes d’identifier le sexisme ».
Emilie a peur « d’être cette femme qui dérange. Et peur de ne pas déranger assez. » Elle a peur, mais elle le fait quand même. Elle nous décille les yeux, à nous hommes, et aux femmes tout autant.
Son livre a été primé dans son pays d’origine, l’Irlande. Je le recommande chaleureusement.
Catégorie : Essais, Histoire… Traduction : Marguerite Capelle.
Liens : Au moment de mettre cet article en ligne, la page du livre chez l’éditeur est presque vide — c’est étrange —, alors compensons en signalant la page que le Cercle culturel irlandais lui consacre.
Ça y est, je le commence !