Grégoire Delacourt, Mon Père, J.C. Lattes, 2019
Par Sylvaine Micheaux.
Ce que j’aime chez Grégoire Delacourt, outre sa façon d’écrire, c’est que chaque roman est totalement différent du précédent.
Edouard, divorcé, père de Benjamin, 9 ans, pénètre dans une petite église de village et fracasse avec rage et détermination le bénitier, les statues de Marie, les croix du Christ, les tableaux de la passion ; et même le ciboire, avec ses hosties consacrées, vole à travers le chœur. Un jeune prêtre arrive affolé, mais au lieu d’appeler la police, il se précipite pour soigner les mains d’Edouard, blessées dans sa fureur, et l’écoute avec empathie. Edouard est le fils d’un boucher trop tôt décédé et d’une grenouille de bénitier. Lors de son divorce, Benjamin, son enfant, est envoyé dans une colonie de vacances tenue par des prêtres bien connus de sa mamie.
Malgré l’appel du fils pour qu’on vienne le rechercher, les parents, pensant à un caprice, ne bougent pas. Benjamin va revenir triste, mutique, plein de cauchemars et refaisant pipi au lit ; et tout cela est mis sur le compte de la tristesse d’un enfant de divorcés. Il mettra longtemps à pouvoir verbaliser ce qui est arrivé…
On pourrait penser que Delacourt surfe sur un sujet d’actualité : la pédophilie dans l’église. Mais le roman, qu’une fois commencé je n’ai pu lâcher, est trop plein de colère et de vérité pour que l’on ne sente pas que cela touche l’auteur au plus profond. J’ai appris depuis que Delacourt était dans sa jeunesse en pension chez les Frères et que, si lui n’a pas été victime, il a vu certains de ses malheureux camarades sortir de la chambre du prêtre de garde de dortoir et s’enfouir sous leurs draps pour pleurer tout leur saoul.
C’est un roman violent, dérangeant, sincère et parfois horrifiant quand le prêtre, avec tendresse et quasi poésie, raconte les actes horribles qu’il a commis. Un roman sur la culpabilité, la colère, la vengeance, la lâcheté, le pardon, la justice.
Quant à la toute fin, elle est surprenante et au fond angoissante.
Catégorie : Littérature française.
Liens : chez l’auteur ; voir aussi La femme qui ne vieillissait pas, du même auteur.
Je voulais chroniquer ce livre et je découvre avec dépit que Sylviane m’a devancée. Mais je me console en me disant que je n’aurais pas écrit autre chose qu’elle. C’est un livre d’une grande violence et d’une grande virtuosité d’écriture, virtuosité qui sonne toujours juste, qui ne semble jamais artificielle, sauvant ainsi l’auteur du reproche qu’on aurait pu lui faire de surfer sur la vague d’un thème devenu, hélas, presque banal. Je n’aime pas tout ce qu’a écrit Delacourt, deux au moins de ses livres m’ont ennuyée, un m’a exaspérée parce que je l’ai trouvé malhonnête sur un sujet qui me touchait de près, mais ici, je dis : Chapeau !