Le dernier hiver du Cid

Jérôme Garcin, Le dernier hiver du Cid, Gallimard, 2019

Par Brigitte Niquet.

Il y a soixante ans mourait Gérard Philipe, dans la fleur de l’âge, au terme d’une maladie aussi brève que fulgurante. Nul n’a oublié la voix de Jean Vilar annonçant la nouvelle au public du TNP abasourdi : « La mort a frappé haut… ». Ce fut presque un deuil national, si grande était l’aura de la star et si incroyable sa disparition prématurée. L’archange foudroyé…

Quatre ans plus tard, sa femme Anne publiait Le temps d’un soupir, récit admirable de retenue et de pudeur quoique pétri d’amour, relatant les derniers mois de son époux et le choix qu’elle avait fait de le laisser dans l’ignorance de la gravité de son état, relatant aussi la difficulté ensuite de vivre sans lui. « Il est scandaleux que tu ne sois pas là », murmurait-elle en contemplant l’éclosion d’un printemps plus enchanteur que jamais. Un beau livre, où elle semblait avoir dit tout ce qu’il y avait à dire sur le sujet.

Et voici maintenant que Jérôme Garcin, six décennies plus tard, entreprend lui aussi de nous raconter presque heure par heure, avec un luxe de détails dont Anne ne s’était pas embarrassée, cette fameuse fin d’année 1959 qui allait aboutir au dénouement que l’on sait. Était-ce bien utile ? Certes, nul mieux que lui n’était habilité à le faire. Pour ceux qui l’ignoreraient, il a épousé la fille de Gérard et d’Anne, Anne-Marie, et fait ainsi partie du sérail en tant que… disons gendre posthume. On peut donc se fier à lui pour l’exactitude du récit.  Mais une telle avalanche de précisions, véritable journal de bord des derniers mois de l’icône, était-elle vraiment nécessaire ? Les plus âgés d’entre nous connaissent l’histoire, au moins dans ses grandes lignes, et les plus jeunes s’en fichent royalement, sans doute. Et surtout Garcin veut tellement bien faire, tellement rendre hommage, tellement être fidèle qu’il semble par moments écrasé par l’admiration qu’il porte à son « beau-père », s’effaçant en quelque sorte à son profit et y perdant jusqu’à la virtuosité habituelle de sa plume, qui fait pourtant merveille dans les chroniques de L’Obs et ailleurs.

Cette opinion, qui n’est probablement que celle d’une vieille grincheuse nostalgique d’une époque à jamais révolue, n’engage que la vieille grincheuse en question. Les jeunes générations trouveront peut-être, dans Le dernier hiver du Cid, matière à s’informer et à rêver à ce que fut ce « prince en Avignon », qu’elles n’ont pas connu et dont le trône est resté vacant. C’est tout le mal qu’on leur souhaite.

Catégorie : Littérature française (récit biographique).

Liens : chez l’éditeur.

Un commentaire sur “Le dernier hiver du Cid

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  1. Je serais moins negative que toi . Quand Gérard Philipe est mort je n ‘avais pas 3 ans , mais les tres nombreux films vus dans l enfance , le « petit Prince » ou « Pierre le loup « où il etait recitant me l ont fait aimer et bien plus ensuite avec « les Orgueuilleux » et des extraits de lui au TNP. J ai aimé ce livre car j y ai appris plein de choses sur sa vie , son histoire , ses engagements , ses amis . C est sûr que les jeunes ne le connaissent pas mais il en faut pour tous et Garcin ecrit tellement bien ,même si « le temps d un soupir » est l une des plus belles declarations d amour que j ai pu lire.

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