
Négar Djavadi, Arène, Liana Levi, 2020
Par François Lechat.
Il m’est arrivé de reprocher à Karin Tuil, dans L’insouciance et Les choses humaines, d’avoir sacrifié la littérature à l’efficacité du récit. Sur des thèmes fort proches, on pourrait dire l’inverse de Négar Djavadi. Elle prend tant de soin à situer ses personnages, à travailler la langue, à rappeler l’histoire et la symbolique des lieux qu’elle investit, qu’il faut un peu de patience pour s’immerger dans Arène et se laisser prendre par ce maëlstrom de bruit et de fureur.
Tout se passe aux alentours de la place du Colonel-Fabien, à Paris, dans un quartier populaire où se croisent des migrants et des bobos, des flics et des dealers. Le récit est d’abord centré sur Benjamin Grossmann, un arriviste fier de ses nouvelles responsabilités dans une plateforme qui fait penser à Netflix. Sa belle assurance va se fracasser sur un incident mineur qui le mettra en danger, comme tous les autres protagonistes de ce roman puissant qui, petit à petit, glisse vers une catastrophe annoncée. Les réseaux sociaux se déchaînent à partir d’une vidéo manipulée, les radicaux religieux ou antiracistes profitent de la moindre occasion, les Chinois s’exploitent entre eux, une policière issue de l’immigration a un geste malheureux à l’égard d’un réfugié qui va embraser tout le quartier, la candidate à la députation ne pense qu’à soigner son image… Personne ne sort intact de cette arène – à commencer par le lecteur, étourdi par cette mécanique remarquablement orchestrée, d’une grande intelligence, que j’aurais juste préférée un peu plus rapide et légère.
Catégorie : Littérature française.
Liens : chez l’éditeur. Voir aussi notre critique de Désorientale, du même auteur, par Jacques Dupont.
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