
Anna Hope, Nos espérances, Gallimard, 2020
Par Brigitte Niquet.
La montée en puissance d’Anna Hope en un temps très court donne le vertige. Révélée en 2016 avec Le chagrin des vivants, confirmée en 2018 avec le très réussi La salle de bal (grand prix des lectrices Elle), la voici qui nous propose déjà son troisième roman, Nos espérances. C’est dire si on l’attendait au tournant : quand tant d’auteurs suent sang et eau pendant des années pour boucler un livre, comment fait cette jeune femme pour enfiler les best-sellers pratiquement sans respirer et la qualité de ce qu’elle écrit ne risque-t-elle pas d’en souffrir ?
Disons tout de suite que si ce troisième opus, en effet, nous a semblé un peu inférieur au précédent, c’est sans doute parce qu’on en attendait trop ou, plus simplement encore, parce que le thème choisi relève davantage que les deux autres de la sphère intimiste et que sa portée est donc moins universelle.
Anna Hope nous raconte ici une sorte d’éducation sentimentale, et d’éducation tout court. Hannah, Cate et Lissa sont trois amies inséparables, elles ont 20 ans à Londres dans les années 90, pratiquent la colocation et vivent ensemble cette période si importante de leur vie où tout se décide. Leur amitié qui semble indéfectible les soutient et le monde est à elles. Dix ans plus tard, on les retrouve toutes trois insatisfaites, frustrées, envieuses de la réussite qu’elles supposent être celle des deux autres. Bref, rien ne va plus et c’est l’objet du livre de raconter pourquoi ces dix années ont débouché sur des ratages et des rancœurs et comment les trois héroïnes vont vivre les suivantes et sauver ce qui peut l’être, dût leur amitié, déjà bien écornée, en souffrir davantage.
C’est un beau sujet, et Anna Hope le traite avec beaucoup de finesse et de délicatesse. Une femme parle des femmes et elle en parle bien. Pour ma part, je regrette seulement son parti-pris du récit non linéaire (qui, reconnaissons-le, ravit certains) : chaque chapitre porte une date, un lieu et/ou le prénom d’une des trois jeunes femmes, sans souci apparent de chronologie et sans qu’on puisse comprendre la raison de ce puzzle spatio-temporel qui, à mon sens, « casse » la lecture, oblige le lecteur à de constants retours en arrière et le gêne dans le processus d’attachement aux personnages. Heureusement, ici, la force d’attraction desdits personnages est suffisante pour compenser ce handicap.
Catégorie : Littérature anglophone (Royaume-Uni). Traduction : Élodie Leplat.
Liens : chez Gallimard ; en Folio ; voir aussi notre critique du Chagrin des vivants (Anna Hope, 2016).
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