
Véronique Olmi, Les évasions particulières, Albin Michel, 2020
— Par François Lechat
Si vous vous demandez ce que les femmes apportent de spécifique à la littérature, lisez Les évasions particulières, et vous comprendrez.
Le thème de ce roman est classique, presque banal en France : la chronique d’un groupe de personnages sur une décennie, celle qui a conduit à l’élection de François Mitterrand en 1981 et qui a définitivement fait entrer la France dans son époque, notamment en matière de libération de la femme. Mais là où un romancier masculin aurait mis l’accent sur les engagements politiques, les luttes de pouvoir et le choc des ambitions, Véronique Olmi aborde l’émancipation sous l’angle des relations familiales, du corps, de la maternité (voulue, subie ou évitée), des mystères du monde des adultes, des détails qui font les rapports de classe et de genre. Elle évoque aussi les grands événements collectifs, mais ce n’est pas là qu’elle est à son meilleur. Ce qui frappe, ici, est l’intelligence aiguë des déchirements intérieurs, des conflits de principes, de la difficulté à se défaire des valeurs traditionnelles dans lesquelles on a été élevé. Ce n’est pas, là non plus, un thème original, mais Véronique Olmi en tire des notations incarnées, subtiles, qui frappent toujours par leur réalisme. Son talent est de tout déplier, même le confus ou l’indicible, et de le rendre surprenant pour ses personnages comme pour le lecteur, qui vont de découverte en découverte (une mention particulière, à cet égard, pour les scènes de sexe auxquelles doit se prêter une des héroïnes, lancée dans une carrière d’actrice au moment même où elle s’est engagée dans une liaison). J’ajoute que tout ceci est servi par une langue concise, directe, sans détours, et par des dialogues au cordeau : ce roman foisonne de vie et d’émotion.
Catégorie : Littérature française.
Liens : chez l’éditeur.
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