
Laurent Mauvignier, Histoires de la nuit, Minuit, 2020
— Par Anne-Marie Debarbieux
La performance de Laurent Mauvignier est avant tout de nous accrocher à une histoire qui couvre la bagatelle de 635 pages, dans ce style si déroutant et qui lui est familier : longues phrases qui dépassent fréquemment la demi-page, qui parfois restent en suspens, comme non terminées, alternant les tons et les registres de langue, les rythmes, les dialogues et les descriptions, le suspense du polar et la minutie de l’analyse psychologique. Déroutante au premier abord, cette écriture originale devient vite captivante car elle est finement travaillée et elle est porteuse de sens.
Dans le hameau isolé de La Bassée, dans une campagne désertée, ne subsistent que trois maisons dont deux seulement sont encore habitées : l’une par Christine, une artiste peintre qui a dû connaître des jours plus glorieux, l’autre par un couple qui semble bien mal assorti : Patrice, modeste paysan rustre, complexé et sans charme, qui s’étonne encore d’avoir conquis la pétillante Marion, qui, elle, travaille en ville, aime la fête et sait défendre ses intérêts. Leur fille, Ida, dix ans, est l’objet de toute leur affection et Christine de son côté se considère un peu comme sa grand- mère.
Le soir des quarante ans de Marion, Patrice, Christine et Ida ont préparé un repas surprise et des cadeaux. Mais avant que Marion ne rentre, un étrange trio arrive, s’invite, occupe les lieux comme s’il en était propriétaire. Ces trois-là n’ont pas l’air bien intentionnés du tout. Dès lors, un étrange huis clos commence : qui sont-ils ? Que veulent-ils ? L’angoisse va s’installer progressivement.
Tandis qu’elle monte, que la violence latente est de plus en plus prégnante, les personnages se dévoilent peu à peu et le lecteur comprend progressivement quels sont les fils qui les relient. Frustrations, rancœurs, incommunicabilité, poids du passé, tout les rattrape et leur saute à la figure. Le lecteur est terrifié, à l’image de la petite Ida, témoin malgré elle de révélations qui la dépassent, tandis que plane toujours l’incertitude sur l’issue de la situation.
Un livre déconcertant au premier abord mais qui parvient très vite à capter son lecteur !
Catégorie : Littérature française.
Liens : chez l’éditeur.
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