
Florence Aubenas, L’inconnu de la Poste, L’Olivier, 2021
— Par Brigitte Niquet
Habituée à ne lire pratiquement que des romans, j’avoue que dans un premier temps, j’ai été un peu décontenancée par la relative sécheresse du style de Florence Aubenas, journalistique et très peu littéraire. Mais j’ai très vite été fascinée par L’inconnu de la Poste, regrettant seulement que les aléas de la justice n’aient pas permis de faire coïncider la résolution juridique de l’affaire et la sortie du livre.
La méthode Aubenas, peaufinée avec l’affaire d’Outreau et celle d’Ouistreham, n’a plus à faire ses preuves. Partant d’un fait-divers hyper-médiatisé, c’est avec une détermination sans faille mêlée à une remarquable qualité d’empathie que la journaliste ne tient rien pour acquis, prend son sujet à bras-le-corps, s’y immerge pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, gagne la confiance des protagonistes et ne lâche le morceau que lorsque, enfin, la vérité se fait jour.
Le cas qui nous occupe ici est à la fois symptomatique et atypique. Symptomatique parce que, comme souvent, les protagonistes, ce sont les paumés du coin – ici, une inénarrable bande de Pieds Nickelés basée à Montréal-la-cluse, petite commune rurale qui a cru trouver son salut dans l’usine de plastiques qui s’y est installée et qui a fermé ses portes quelques années plus tard, les laissant sur le carreau. Ils picolent, pointent au chômage, vivent de rapines et de troc mais globalement, ce sont de braves gens qui, comme on dit, ne feraient pas de mal à une mouche. La « mouche », c’est Catherine Burgod, la postière, tuée un matin de vingt-huit coups de couteau dans son bureau. A priori, tout le monde l’aimait. Qui l’a massacrée et pourquoi ? Atypique parce que, parmi les « braves gens », figure un OVNI : Gérald Thomassin, un jeune marginal sacré à 16 ans meilleur espoir de l’année cinématographique et titulaire d’un César, mais incapable de gérer sa vie. Rapidement, tout semble le désigner comme le coupable idéal, d’autant qu’il habite juste en face de la Poste. Et d’ailleurs il s’accuse lui-même. Mais ce n’est pas si simple.
Au lecteur maintenant de démêler cet imbroglio. Les faits datent de plus de dix ans et n’ont encore jamais été jugés. Le rôle de Florence Aubenas est terminé. Celui de la justice va peut-être enfin commencer.
Catégorie : Essais, Histoire…
Liens : Au moment de publier cet article, le site des éditions de L’Olivier est en maintenance mais vous retrouverez prochainement L’inconnu de la poste sur editionsdelolivier.fr. Aux éditions Points : La Méprise. L’affaire d’Outreau (2010) et Le quai de Ouistreham (2021).
Belle chronique pour un essai qui est très réussi
Une enquête qui se lit comme un roman policier