
Michel Bussi, Code 612. Qui a tué le Petit Prince ?, Presses de la Cité, 2021
– Par Catherine Chahnazarian
J’ai relu Le Petit Prince dans la perspective de découvrir le travail de Michel Bussi, et j’ai bien fait car les allusions et références sont si nombreuses qu’aborder Code 612 sans avoir en tête son inspirateur n’a pas de sens.
Quel sinistre livre, me suis-je dit en finissant Le Petit Prince. Solitude, dangers, incompréhension, séparations, culpabilité, disparition… Je comprends pourquoi ce conte m’avait laissé un sentiment très mitigé quand j’étais jeune : la poésie et les dessins ne compensaient pas ce sinistre sur lequel je peux mettre des mots aujourd’hui. Certes, j’y vois des messages, je perçois des symboliques, c’est un conte philosophique… mais les femmes sont inexistantes (je vous passe le détail de ce que je pense de cette rose), les adultes sont infréquentables (sauf l’allumeur de réverbères ?)… On se demande si l’auteur est misanthrope ou dépressif.
Code 612 est un travail de détective sur le « mystère Saint-Exupéry » pour ceux qui ne peuvent pas admettre qu’il ait simplement été abattu par un aviateur allemand au-dessus de la Méditerranée. Bussi promet d’explorer les deux questions qui taraudent de nombreux adeptes : Qui a tué Saint-Exupéry ? Qui a tué le Petit Prince ? (ça m’a fait un choc car je ne savais pas qu’il était mort), deux questions qui se situent sur des plans différents mais que Bussi mêle et dans lesquelles il s’emmêle parfois un peu (ça a gêné ma rationalité), comme il s’emmêle un peu dans les raisons de l’enquête que mènent ses deux personnages et reste confus sur qui sait quoi, en particulier à la fin où je n’ai pas compris si le commanditaire de l’enquête savait tout depuis le début ou a été lui-même manipulé et pour quelles raisons…
J’ai aussi été dérangée par cette énorme ficelle qui consiste en ce qu’un personnage (l’aviateur) soit le candide auquel l’autre personnage (la jeune détective rousse comme un renard qui sait tout du Petit Prince et de son auteur) va tout expliquer – ainsi donc qu’au lecteur. Les informations nécessaires se situant surtout au début du livre, les chapitres sont, en outre, disproportionnés, certains ne présentant qu’un faible intérêt.
Bref, je l’ai lu jusqu’au bout parce ça m’a amusée d’observer l’influence de la psychanalyse dans les relectures du Petit Prince, et aussi d’exercer ma mémoire pour décoder les références. Mais je n’ai pas été conquise par ce roman – qui est plutôt un conte, ou un étrange mélange des deux.

Peut-être que je n’aime pas les contes.
En tout cas, et l’enfant et la poète en moi vous le disent : le Petit Prince n’est pas mort. (Non mais sans blague !)
Catégorie : Littérature française.
Liens : CODE 612 aux Presses de la Cité ; LE PETIT PRINCE en Folio et en édition de collection ; des documents proposés par Gallimard.
Pour ma part, je suis un amoureux de longue date du Petit Prince, et j’ai pris du plaisir à lire Bussi pour les nombreuses citations et paraphrases de l’original qui émaillent son livre. J’ai aussi beaucoup appris sur le brouillon de l’œuvre, ses sens multiples et la vie de Saint-Exupéry. Cela enrichit l’image que l’on s’en fait, mais je partage les réserves de Catherine sur le procédé utilisé par Bussi, ainsi que sur ses maladresses. D’autant qu’il nous laisse, à la fin, dans l’incertitude. Mais si on a envie d’en savoir plus sur Le Petit Prince, c’est une manière originale de se renseigner.