Les années

Génération spontanée d’une mini-série sur Annie Ernaux – dernier épisode

Annie Ernaux, Les années, Gallimard, 2008

— Par Daniel Kunstler

Dans la rue à Grenoble le 6 octobre 2022, en route justement pour une librairie, j’ai appris par une alerte sur mon portable l’octroi du prix Nobel de Littérature à Annie Ernaux, dont je n’avais encore rien lu. La librairie avait déjà consacré une table à la nouvelle lauréate. Je m’y suis procuré Les années, particulièrement représentatif du travail de l’auteur selon les commentaires.

Les années ne sont pas le seul livre d’Ernaux à se présenter comme autobiographique, sans l’être tout à fait. Tant mieux. Ernaux cherche plutôt à tracer le portrait temporel et spatial de la France féminine depuis la Seconde Guerre, l’observant à travers l’objectif (au sens photographique) de son propre parcours et de la sexualité qui définit l’expérience franco-féminine. Par ailleurs, la description intermittente d’une série de clichés en noir et blanc sert de leitmotiv pour marquer des moments charnière de sa vie. Le regard sur ces images l’aide à juxtaposer ses aspirations passées à la réalité vécue. Des leitmotiv, il y en a d’autres, par exemple l’évocation, intermittente elle aussi, de la mémoire collective de l’Occupation, qui s’effrite inexorablement.

Ernaux décrit une France sortant des années de guerre, figée dans un conservatisme bigot et stagnant, où les filles et les jeunes femmes vivent dans la peur d’être souillées aux yeux de leur entourage, que ce soit par leurs choix vestimentaires tant soit peu provocants, ou d’une musique autre qu’insipide. Bien entendu, céder au désir est un tabou inviolable imposé par la famille, en classe et à l’église. Les Françaises vivent sous surveillance constante, chez elles, mais aussi dans la rue et par l’État, géré par des hommes investis dans le maintien de l’ordre social.

Et le “pourquoi” dans tout cela ?

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La place

Génération spontanée d’une mini-série sur Annie Ernaux – 3e épisode

Annie Ernaux, La place, Gallimard, 1984

— Par Catherine Chahnazarian

La place, c’est celle d’Annie dans sa famille quand elle est enfant puis jeune fille et enfin adulte, mariée et embourgeoisée. Le roman, biographique donc, décrit des parents modestes et travailleurs, l’école qui émancipe, un papa fier de l’instruction de sa fille, puis le lien qui se distend, les vies si différentes des uns et de l’autre, la difficulté d’être encore parents et fille, et l’immense tristesse de constater le gouffre creusé.

J’avais adoré cette oeuvre sociologique, historique, intelligente, sensible, sincère ; le style dépouillé, direct, allant droit aux êtres. Les lieux et les personnages m’ont assez marquée pour que je me souvienne encore des représentations que je m’en étais faites, iI y a pourtant de nombreuses années.

Mais j’avoue qu’après cela, les autres Ernaux que j’ai essayés m’ont paru sans intérêt, légers, répétitifs. Notamment par cette démarche consistant à passer par soi pour parler de l’amour ou du monde. Je suis donc très ambivalente à l’égard de ce Nobel 2022. Mais La place mérite une reconnaissance internationale.

Catégorie : Littérature française.

Lien : chez l’éditeur ; en Folio ; tous nos articles sur Annie Ernaux sont renseignés à la page E de notre classement par auteur.

Le jeune homme

Génération spontanée d’une mini-série sur Annie Ernaux – 2e épisode

Annie Ernaux, Le jeune homme, Gallimard, 2022

— Par Jacques Dupont

Elle, Annie, a 54 ans, et lui 24. Trente de moins.

Ils ont entamé une relation amoureuse.

Vivre, en jouir, écrire. Jouir et, à même cette plénitude, ressentir le manque, le reste à dire, et la nécessité de l’écrire. « Si je ne les écris pas, les choses ne sont pas allées jusqu’à leur terme, elles ont été seulement vécues. » Annie Ernaux place ces mots en exergue de sa nouvelle Le jeune homme.

C’est le récit de la relation amoureuse d’une femme à l’aube de son automne et d’un jeune homme, insolemment prodigue de sa fougue et de sa jeunesse ; mais aussi Le jeune homme montre l’émergence, la prise de forme d’un reste à dire bouleversant.

En attendant que ce reste se dévoile, les amants se retrouvent à Rouen, ville où elle a fait ses études. Ils couchent sur un matelas posé à même le sol. Les plaques électriques de la cuisine n’ont pas de thermostat. Il faut enfiler trois pulls pour supporter le froid. Le jeune homme est le porteur de la mémoire de son premier monde.

Il lui voue une ferveur, dont elle n’a pas souvenir. Avec lui, elle parcourt tous les âges de la vie, sa vie.

Elle lui offre des voyages, lui permet de ne pas travailler. Elle se sait dominante. 

Femme scandaleuse, ce qu’elle a autrefois vécu dans la honte, elle le vit aujourd’hui avec jubilation, elle dont les passants passent le corps au crible lorsqu’ils se promènent. Elle joue avec l’idée d’une nouvelle maternité.

Puis vient le moment où ça bascule : son histoire avec le jeune homme est une répétition, et elle ne ressent plus que cette répétition…

Catégorie : Littérature française.

Liens : chez l’éditeur ; tous nos articles sur Annie Ernaux sont renseignés à la page E de notre classement par auteur.

Se perdre

Génération spontanée d’une mini-série sur Annie Ernaux – 1er épisode

Annie Ernaux, Se perdre, Gallimard, 2001 (existe en Folio)

— Une brève de Geneviève Petit

Ce livre, autobiographique, est le journal d’une amoureuse.
Le héros de ses émois est un diplomate russe de l’ancienne URSS sous Gorbatchev…
Au cours d’une année, jour après jour, le livre nous fait découvrir une passion dévorante, inassouvie, cachée (le beau Russe est marié, et l’autrice est de 13 ans son aînée)…

Catégorie : Littérature française.

Lien : en Folio ; tous nos articles sur Annie Ernaux sont renseignés à la page E de notre classement par auteur.

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