Laurent Binet, La septième fonction du langage, Grasset, 2015
Par François Lechat.
Les critiques qui l’ont encensé avaient raison, voici un livre épatant, au sens strict du terme. On est épaté par l’habileté de l’auteur, son audace, son humour, l’énormité de l’idée de départ – Roland Barthes serait mort assassiné dans le cadre d’un sombre complot auquel a peut-être participé toute l’élite intellectuelle française, Foucault, Derrida, BHL, Sollers, Kristeva, Althusser… C’est conçu et ça se développe comme un polar, mais un polar dont les suspects et les personnages secondaires sont des célébrités, y compris de la politique, Mitterrand, Giscard et leur garde rapprochée (celle de Mitterrand est croquée avec une savoureuse férocité). Pour qui connaît l’ambiance intellectuelle et politique des années 70, c’est irrésistible, avec des inventions jouissives même si l’auteur cède parfois à la facilité. Mais c’est un roman pour initiés : les longues paraphrases des discussions de l’époque autour de la sémiologie, du langage, du signifiant, etc., amuseront les intellos mais ne peuvent que décourager le lecteur lambda. Et, limite inhérente à l’exercice, on n’oublie jamais qu’on lit une pochade de haut vol, un tour de force romanesque : aucune chance de prendre l’intrigue totalement au sérieux, d’autant que l’auteur rappelle périodiquement que c’est lui qui tire les ficelles. Ce qui lui permet, d’ailleurs, de conclure sur un chapitre assez étourdissant, qui nous arrache un dernier sourire d’admiration.
Catégorie : Littérature française.
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