Leïla Slimani, Dans le jardin de l’ogre, Gallimard, « Folio », 2016
Par François Lechat.
Le premier roman du prix Goncourt 2016, Leïla Slimani, est disponible en édition de poche, et se retrouve en bonne place dans les librairies. Pour qui, comme moi, le lit après Chanson douce, il contient toutes les promesses qui justifient ce Goncourt. On y trouve déjà cette écriture formidablement serrée, élégante, incisive, qui nous fait participer avec finesse à tous les états d’âme de son héroïne sans pour autant verser dans la psychologie ou dans l’explication. Dans le jardin de l’ogre est moins impressionnant, sans doute, parce que les personnages restent abordés sous l’angle de l’intime, sans nous faire sentir toute l’épaisseur des structures sociales et des mentalités qui jouent un si grand rôle dans Chanson douce. Mais l’histoire est forte, audacieuse même, puisque centrée sur une femme mariée, mère de famille et nymphomane, qui multiplie les hommes et prend le risque de se détruire parce qu’elle ne supporte pas la médiocrité du quotidien – une sorte de Madame Bovary trash, et sans l’excuse de l’influence de mauvaises lectures. Ce premier roman est une réussite d’autant plus remarquable que l’auteure dit tout sans être jamais vulgaire.
Catégorie : Littérature française.
Liens : dans la collection Folio.
Pour ma part, j’ai été un peu déçue par rapport à Chanson douce, qui m’avait enchantée d’un bout à l’autre. Ici, je me suis longtemps demandé où l’auteur voulait en venir, quel était le suspense qu’elle nous réservait, et puis non, rien, c’est l’histoire d’une nymphomane masochiste, point, en somme un cas clinique pathologique que l’on observe de l’extérieur avec étonnement sans s’y intéresser vraiment. Trop loin de nous, sans doute, trop « particulier » et c’est heureux, car le personnage est glaçant. Tout ce que dit François Lechat du style est juste, le rapport avec le bovarysme aussi (j’aime beaucoup « un bovarysme trash ») mais alors qu’on compatit à la détresse d’Emma (un de mes plus beaux souvenirs de lecture), celle d’Adèle nous reste indifférente, voire incompréhensible. L’écriture du Goncourt est déjà là, mais non sa richesse d’inspiration, son « épaisseur » humaine et sociale.