Heather, par dessus tout

Matthew Weiner, Heather, par-dessus tout, Gallimard (Du monde entier), 2017

Par Brigitte Niquet.

Je n’aurais jamais eu l’idée de m’intéresser à ce livre, encore moins de l’acheter, sans les critiques dithyrambiques parues dans un magazine dont je respecte et partage assez souvent les avis.  Un journaliste américain établissait même une comparaison flatteuse avec Flaubert, d’autres parlaient de « roman étourdissant », d’« oeuvre démente qui se lit en apnée », d’« implacabilité glaçante ». Bien alléchant, tout ça. À condition qu’on le retrouve dans la lecture, ce qui, à mon sens, n’est pas le cas. Est-ce à dire que Heather, par-dessus tout soit un mauvais livre ? Ce serait faire offense au concepteur et réalisateur de la série Mad men que de le prétendre, mais un opus aussi court (certains le qualifient plutôt de longue nouvelle) se doit d’être du concentré de concentré et ce n’est pas le cas.

Les quatre premiers chapitres nous racontent l’histoire de Karen et Mark qui se sont rencontrés tardivement et se sont mis ensemble… faute de mieux. Ils engendrent une fille, Heather, qu’ils considèrent évidemment comme la huitième merveille du monde. Karen arrête de travailler pour se consacrer aux joies de la maternité, Mark trouve un nouveau boulot mieux payé qui l’accapare mais ne l’empêche pas d’idolâtrer sa fille. Le couple va ainsi cahin-caha jusqu’à l’adolescence d’Heather. Parallèlement, on suit en filigrane le parcours d’un pauvre gamin, Bobby, né d’une mère alcoolique et droguée et de père inconnu, qui sort de prison pour avoir violenté une jeune fille et croise la route d’Heather par hasard. On s’attend à un choc d’anthologie. Celui-ci se produira dans le 5e et dernier chapitre. Il sera, certes, violent mais beaucoup moins spectaculaire qu’on aurait pu le penser, presque furtif.

Globalement, le lecteur reste sur sa faim. Essentiellement parce que le style de Matthew Weiner est celui d’un entomologiste, qui dissèque les comportements de ses héros sans que jamais la moindre touche d’empathie soit sensible. Pour certains, cela fait partie de ses qualités. On est loin, en tout cas, de Madame Bovary et de la si touchante Emma, que Flaubert nous fait aimer jusque dans ses errements et dans ses crimes. Comment peut-on qualifier ce roman d’ « étourdissant » ? Il est tout sauf cela. « Glaçant », peut-être… Et encore. Un peu ennuyeux me paraîtrait finalement le meilleur qualificatif. Même le titre est raté : il est question de pas mal de choses dans ce court récit, mais Heather et l’adoration que lui vouent ses parents n’en sont même pas le centre.

Il ne vous est cependant pas interdit de vous faire votre propre opinion…

Catégorie : Littérature étrangère (USA). Traduction : Céline Leroy.

Liens : chez l’éditeur.

Un commentaire sur “Heather, par dessus tout

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  1. Je rejoins à plusieurs égards l’avis de Brigitte Niquet, sauf que ce roman m’a paru réussi. Pas en tout, cependant : le style, très travaillé, avec des phrases complexes et fluides à la fois, n’est pas d’une maîtrise constante, en tout cas dans la version française qui donne parfois l’impression d’une imperceptible maladresse (ce qui n’est pas le cas chez Flaubert). Mais pour le reste, ce livre me paraît très condensé, et c’est sans doute la raison du manque d’empathie qu’il semble manifester. Tout y est codé, contenu entre les lignes ; tout renvoie à une foule d’autres livres, de films, de représentations mythiques ou sociologiques de la classe moyenne américaine, dont la vacuité et le mal de vivre sont le vrai sujet du roman, le personnage de Heather jouant le rôle de bouche-trou existentiel pour ses parents. Du coup, j’ai apprécié la fin, précisément pour son absence de pathos, qui m’a paru cohérente. Je ne crierais pas au génie, comme l’ont fait certains critiques, et le sérieux avec lequel l’auteur remercie tous ses mentors est grotesque, mais ce récit est prenant et subtil. Pas loin d’être glaçant, en effet, comme peut l’être la médiocrité des privilégiés, que rien ne justifie. Mais Heather, au terme de l’histoire, pourrait devenir meilleure que ses géniteurs, de même que Bobby aurait pu l’être : dans le silence de la première page après la fin, il n’est pas interdit d’espérer.

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