George Sand, Gustave Flaubert, Tu aimes trop la littérature, elle te tuera, correspondance, Le Passeur, 2018
Par Catherine Chahnazarian.
Amitié, admiration, plaisir réciproque de s’écrire et de se voir aussi souvent que possible, sentiments assumés, confiance : on envierait la qualité de cette relation-là ! Elle l’appelle son « vieux troubadour », il l’appelle « maître », ils parlent d’eux-mêmes à cœur ouvert, ils s’encouragent et se soutiennent, s’inquiètent l’un de l’autre…
Sand : Toi, cher, tu te promènes dans la neige, la nuit. Voilà qui pour une sortie exceptionnelle est assez fou et pourrait bien te rendre malade aussi. Ce n’est pas la lune, mais le soleil que je te conseillais, nous ne sommes pas des chouettes, que diable (p. 135).
… Ils discutent, sont souvent en désaccord, mais ils s’aiment. Leur correspondance est émaillée de grandes réflexions aussi bien que de petits récits du quotidien. Ils abordent toutes sortes de thèmes : la littérature et l’art, bien sûr, la politique aussi. On traverse avec eux des années agitées, comme celles de la guerre contre la Prusse.
Sand : Nous avons tous souffert par l’esprit plus qu’en aucun autre temps de notre vie et nous souffrirons toujours de cette blessure. Il est évident que l’instinct sauvage tend à prendre le dessus. Mais j’en crains un pire, c’est l’instinct égoïste et lâche ; c’est l’ignoble corruption des faux patriotes (…) (p. 376).
Avec le temps, cependant, Flaubert est de plus en plus torturé, de plus en plus misanthrope, tandis que Sand reste optimiste, sociable, ouverte. Elle va s’accrocher longtemps mais leur relation finira forcément par pâtir de ces différences.
Flaubert : Quelle bonne et charmante lettre que la vôtre ! maître adoré ! Il n’y a donc plus que vous, ma parole d’honneur ! je finis par le croire ! Un vent de bêtise et de folie souffle maintenant sur le monde. Ceux qui se tiennent debout fermes et droits sont rares (p. 273).
Cette correspondance donne très envie de lire ou relire les deux auteurs, surtout Georges Sand, toujours capable d’émerveillement, modeste, adorable.
Sand : Je travaille toujours ma pièce. Je ne sais pas du tout si elle vaut quelque chose et ne m’en tourmente point. On me le dira quand elle sera finie, et si elle ne paraît pas intéressante, je la remettrai au clou. Elle m’aura amusée six semaines. C’est le plus clair de notre affaire à nous autres (p. 548).
Catégorie : Essais, Histoire…
Liens : chez l’éditeur (édition de poche, 672 pages, 11,90 euros).
Ah ! Formidable « appetizer » (et moi qui n’ai jamais lu Sand !) Merci Catherine !
Fréquenter ainsi G. Sand et G. Flaubert, quel beau programme. Je m’y mets tout de suite. Dominique