Hommage à Philippe Carrese

Hommage à Philippe CARRESE

Par Catherine Chahnazarian, avec la collaboration de Jacques Dupont-Duquesne.

Un jour, Jacques m’a dit : « Il y a un réalisateur de France 3 qui écrit des polars, tu devrais essayer. Il prétend qu’il écrit des séries B, et il assume, mais il s’est fait une sacrée réputation à Marseille. »

Ma curiosité était piquée : je me suis procuré Une petite bière, pour la route, qui venait de sortir. Comme ça m’a amusée, j’ai poursuivi avec Le bal des cagoles, que j’ai juste adoré et qui avait reçu le prix SNCF du Polar. Et dans la foulée, j’ai lu Conduite accompagnée, qui ne peut que parler aux jeunes qui apprennent à conduire, aux parents de ces derniers, aux moniteurs d’auto-école et à tous ceux qui empruntent régulièrement les grands boulevards marseillais. Ces trois opus, publiés au Fleuve Noir en 2000 et 2002, sont restés mes préférés. Ce n’était pas difficile de trouver un Carrese : il y a en avait dans toutes les librairies de la région. Quand on débarquait à Marseille ça aidait à se familiariser avec les personnages typiques de cette ville haute en couleurs, de comprendre la philosophie de la « cagole » [1]  et du « cake », et d’apprendre les expressions qui vont avec, comme le célèbre « on craint dégun » [2].

Dans la même veine, Philippe Carrese avait écrit un Petit lexique de ma-belle-Provence-que-j’aime, avec son ami Jean-Pierre Cassely : « Le premier Guide-Lexique foncièrement stupide, inutilement cruel et d’une mauvaise foi absolue sur la Provence » (Jeanne Laffitte, 1996, disponible en réédition numérique FeniXX). Vous voyez le personnage…

Mais il n’a pas fait qu’en rire. En 2006, il a poussé un coup de gueule intitulé « J’ai plus envie », qui traduisait – faut-il en parler à l’imparfait ? – qui traduisait si bien le malaise ressenti par de nombreux Marseillais qu’il a fait le buzz.

Puis, désireux de passer à autre chose, Philippe a écrit Enclave (Plon, 2009), un roman sérieux sur le pouvoir et la tentation totalitaire.

En 1945, les Allemands abandonnent le camp de Medved, au nord des Carpates, en Slovaquie. Les prisonniers… prisonniers de cette enclave entre une rivière et des montagnes infranchissables, décident de s’organiser en république. Le récit se développe à travers le regard d’un jeune garçon qui tient une sorte de journal de cette société dans laquelle, bien sûr, le pouvoir va faire ses ravages. L’écriture simple de Philippe Carrese, tout à fait sans prétention, met à la portée de tous un récit humainement puissant qui s’appuie avec intelligence sur l’Histoire.

Philippe s’est ensuite consacré à une saga italienne avec Virtuoso Ostinato, Retour à San Catello et La légende Belonore, aujourd’hui disponibles en un seul volume aux éditions de l’Aube sous le titre La famille Belonore (2019). Jacques nous en parlera plus longuement une autre fois.

Dans d’autres genres, Philippe Carrese a également écrit une dizaine de romans Jeunesse aux éditions Syros.

Sa dernière production, sortie en juin 2019, renouait avec le rire : Une histoire de l’humanité (tome 1 et fin) dans laquelle la théorie de l’évolution est exposée depuis le Big-Bang jusqu’à l’installation d’une machine à café écoresponsable dans l’open space d’une grande entreprise !

Enfin, il faut dire son rôle important dans Plus Belle la Vie. Philippe Carrese a été le premier réalisateur de la série télévisée : plus de quatre cents épisodes. Il a aussi réalisé des documentaires et des téléfilms, et composé de la musique de film. Il a fait une longue carrière à France 3 où il était connu comme le loup blanc.

Ce talentueux touche-à-tout a été emporté par un cancer en mai dernier. Il était né dans le Panier, quartier populaire et touristique situé près du Vieux-Port, d’une famille d’origine napolitaine. Il est mort dans la ville dont il a tant parlé, à l’âge de 63 ans.

Il avait été invité dans des lycées et avait fait forte impression sur l’un de mes élèves. Le comportement naturel et sans posture de l’homme avait démythifié la figure de l’Auteur avec un trop grand A. Mon élève s’était mis à dévorer ses livres.

Catégories : Policiers et thrillers ; Littérature française ; Extras.

Liens : Cet article de France 3 PACA sur sa disparition ; son blog ; Philippe Carrese aux Éditions de l’Aube.

[1] « Cagole : spécialité marseillaise. Gamine voyante et délurée, capable de parler gras tout en mâchant du chewing-gum et de garder l’équilibre tout en marchant sur des chaussures à semelles de trente centimètres d’épaisseur » (Philippe Carrese). Je vous laisse découvrir le cake…

[2] « On ne craint personne ».

Un commentaire sur “Hommage à Philippe Carrese

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  1. Une personne et un auteur que j’appréciais vraiment. Pour moi Philippe Carrese c’était à la fois Naples et Marseille. Deux villes monde, de la gouaille et de l’intelligence, Une vraie lucidité et un amour partagé pour cette ville antique et moderne. Je pense qu’il ne nous a pas tout à fait quittés, son esprit reste attaché à ses racines.

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