Mathieu Menegaux, Un fils parfait, Grasset & Fasquelle, 2017 (existe en Points)
Par Catherine Chahnazarian.
Sur un ton vif, enlevé, Daphné écrit à sa belle-mère pour lui donner sa version de l’histoire qu’Élise ne connaît qu’à travers les dires de son « fils parfait », sa traduction des événements. Elle explique ce que Maxime est réellement. Elle raconte tout : la surprise, la négation, le doute, la rage, l’écroulement du monde, l’injustice. Est-il vraisemblable qu’Élise ait la curiosité et surtout le courage de lire cette longue lettre dans laquelle la monstruosité progresse irrémédiablement ? Ça n’a pas d’importance. Pour Daphné, la narratrice, la vérité doit être dite. Toute la vérité. Et nous, lecteurs, nous sommes pris par ce récit habile, réaliste, affolant, nous ressentons la sincérité et l’angoisse d’une mère qui va devoir protéger ses deux petites filles.
Avant d’en entamer la lecture, mieux vaut peut-être être averti que ce très bon roman – inspiré d’une histoire vraie – parle de l’inceste.
La première moitié du livre, psychologique, met en place la périlleuse situation de cette femme qui croyait avoir épousé un homme merveilleux. Daphné dit sa naïveté, son aveuglement, sa culpabilité bien sûr, le basculement du bonheur dans l’horreur. La seconde moitié est celle du combat, de l’insuffisance des lois de la République, des erreurs commises, des apparences trompeuses, des scandaleuses complaisances. Militantes, ces quelque quatre-vingts pages inquiètent, écœurent – et passionnent parce qu’il s’agit tout de même d’un roman. Mais la mise en forme romanesque s’efface le plus souvent, et nous oblige à penser à toutes les Daphné, aux Claire, aux Lucie et aux autres.
Catégorie : Littérature française.
Liens : le roman chez Grasset ; l’auteur aux éditions Points.
Ce roman est en effet habile, il cueille le lecteur et ne le lâche pas. On ne peut pas dire qu’il brille par le style, plus appliqué qu’inspiré. Et il tourne un peu court : j’attendais d’autres chapitres sur le fonctionnement (ou le dysfonctionnement) de la machine judiciaire. Mais pour avoir suivi un cas semblable, je salue le réalisme des comportements et l’urgence de dénoncer certains archaïsmes de la loi et de la justice. Tout en donnant raison à l’auteur lorsqu’il rappelle, dans une page accablante, que la justice est aussi manipulée par des parents sans scrupule qui lancent de fausses accusations d’inceste dans le cadre de procédures de divorce. Le plus frappant, en fin de compte, est que les victimes authentiques, sous le coup de la colère et de l’émotion, perdent leur calme et se discréditent bien malgré elles aux yeux de la justice.