Il nous reste les mots

Georges Salines et Azdyne Amimour, Il nous reste les mots, Robert Laffont, 2020

Par Sylvaine Micheaux.

Je voulais lire ce livre qui est un dialogue entre deux hommes, deux pères que tout oppose et qui n’auraient, dans la logique, jamais dû ni se rencontrer, ni se parler, ni se raconter. Georges Salines est le père de Lola, morte à 28 ans le 13 novembre 2015 lors de l’attentat du Bataclan ; Azdyne Amimour est le père de Samy, même âge, qui était un des trois terroristes du Bataclan abattus ce soir-là par la police.

Georges est président d’une association, 13onze15 Fraternité-Vérité, créée suite aux attentats pour les victimes de ce jour et pour leur famille, et qui, peu à peu, est entrée en lien avec des associations de victimes d’attentats de tout pays et de tout type (pas seulement commis par Daesh). Azdyne va un jour le contacter car il se considère aussi, d’une certaine façon, lui le musulman modéré, très peu pratiquant, victime des actes de son fils – qu’il a perdu deux fois : le jour où il est parti en Syrie faire le djihad et le jour où il est mort. Les deux pères vont se rencontrer, se raconter leurs enfants, leurs familles, leurs enfances, leurs voyages, l’avant et l’après 13 novembre, le deuil. Azdyne Amimour voudrait comprendre comment et pourquoi son fils Samy a pu prendre un tel chemin. Entre eux se noue un vrai dialogue ; ils ont tous deux un parcours différent mais parfois proche, ayant beaucoup voyagé et vécu quelquefois dans les mêmes contrées, chacun comprenant la souffrance de l’autre.

Mais j’apporterai de petits bémols. Le dialogue est parfois très littéraire, on sent que cela a été corrigé, voire réécrit. Leurs pensées repartent par moment très loin dans leur passé, leur enfance, et cela n’apporte pas grand-chose, même si c’est souvent ce qui arrive dans une discussion : on parle, on parle et on s’éloigne du sujet…

J’ai également trouvé que Georges Salines – tout en se voulant très tolérant – était moralisateur et paternaliste. Il sous-entend qu’Azdyne Amimour approuve la théorie du complot, qu’il a un petit fond antisémite, etc. Le livre m’a intéressée, mais il est évident que le père de Lola a le plus beau rôle : Lola était gaie, ses deux frères heureux, on a l’impression que ses parents ont tout bien fait.

Mais au moins le père musulman, qui a été harcelé longtemps, qui a perdu ses amis en grande partie, a pour une fois la parole. Cet essai a donc le mérite d’exister, de rendre réel et humain un père souvent jugé aussi coupable que son fils.

A lire, mais sans plus.

Catégorie : Essais, Histoire…

Liens : chez l’éditeur.

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