Paul Willems, Il pleut dans ma maison, Les cahiers du Rideau de Bruxelles, 1962 (disponible aux éd° AML)
— Par Catherine Chahnazarian
Pendant cinquante ans, ceux qui étaient supposés s’occuper de la maison de la vieille Madeleine ont laissé la nature y reprendre ses droits. Pas par écologie, non, l’époque n’en était pas encore là, mais par pure poésie. Une poésie extrême puisque Bulle et Germaine ont laissé pousser un arbre dans le salon, dont les branches ont brisé les vitres et troué le toit, si bien que, lorsqu’il pleut…
La jeune Madeleine hérite de sa tante et veut vendre la maison. Mais les habitants ne l’entendent pas de cette oreille. Toune veut sauver l’herbe. Et Germaine a un plan (elle a toujours un plan). Bulle a des mots pour dire les choses : « Quelles pommes de terre ! Bouillies dans l’eau d’ici, elles sont légères comme une neige de mars, avec quelques grains de gros sel et du lard tout croquant… croquant. Je ne dis pas mou, ni dur, ni tendre, je dis croquant-qui-aime-à-être-croqué ». Il y a un fantôme, aussi, bien qu’il réfute cette appellation : « Les fantômes sont toujours froissés. Par exemple, après avoir été pliés en six pendant cinquante ans, sous forme d’une lettre d’amour jaunie. Est-ce que j’ai l’air froissé, moi ? Est-ce que j’ai l’air d’une lettre d’amour jaunie ? » Enfin, tout un monde absurde et poétique s’empare de votre raison et vous donne envie, à vous aussi, de sauver la maison et d’oser l’imaginaire.
Touchante et drôle, vaudevillesque et décalée, cette pièce — juste un peu datée — ravira les âmes sensibles.
Catégorie : Théâtre.
Liens : le texte aux éditions AML (commande en ligne).
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