La ferme des animaux

Noël 2021
Offrir, lire ou relire de grands classiques

George Orwell, La ferme des animaux, Secker & Warburg, 1945

— Par François Lechat

La ferme des animaux est un roman à clé, et il est donc tentant de le raconter deux fois : d’en résumer les événements, puis d’indiquer à quoi ils correspondent. Car au XXIe siècle, il ne va pas de soi que, dans cette ferme où les animaux ont chassé leur maître et vivent désormais en autarcie, on rejoue la révolution russe de 1917 en présentant ses protagonistes sous les traits d’animaux domestiques, en particulier deux cochons, Boule de Neige et Napoléon, représentant Trotski et Staline. Et on pourrait aller loin dans cette direction, car Orwell brasse les principales péripéties qui ont marqué la Russie communiste, des procès de Moscou aux accords de Yalta en passant par le pacte germano-soviétique ou par l’instauration d’organes de propagande. Mais au fond, ce n’est pas l’essentiel. Car sous le titre d’Orwell, La ferme des animaux, figure la mention « Fable », et c’est bien de cela qu’il s’agit.

D’une voix douce, délicate, pleine d’empathie et en jouant sur des allusions limpides, Orwell raconte une histoire immémoriale. Un peuple délivré, décidé à construire son bonheur dans la liberté et l’égalité, qui travaille dur pour y arriver (à l’instar de Malabar, le cheval de trait qui nous arrachera des larmes), mais qui se laissera petit à petit dominer par les plus malins, les plus cyniques, les plus brutaux. Pas par bêtise, plutôt par excès de confiance, parce que les personnes honnêtes n’imaginent jamais ce que les malhonnêtes sont capables d’inventer. Par-delà les contrepoints précis avec l’Histoire, c’est cette fable que tisse Orwell, et elle est à la fois savoureuse et triste à mourir. Car dès le premier jour, Napoléon/Staline s’arrange pour détourner le lait de la ferme à son seul profit, ce qu’Orwell indique tout en finesse : « Aussi les animaux gagnèrent les champs et ils commencèrent la fenaison, mais quand au soir ils s‘en retournèrent ils s’aperçurent que le lait n’était plus là. » Ce sont de petits glissements de ce genre qui font tout le sel de La ferme des animaux : le communisme est mort lorsque le 7e commandement de la ferme, « Tous les animaux sont égaux », est remplacé par son frère presque jumeau, « Tous les animaux sont égaux mais certains sont plus égaux que d’autres » – les maîtres du régime, qui se vautrent dans leurs privilèges.

Comment en arrive-t-on là ? Même si vous ne connaissez rien de la grande Histoire, vous le comprendrez en lisant Orwell.

Catégorie : Littérature anglophone (Royaume-Uni). Traduction : Jean Queval.

Liens : en Folio.

Un commentaire sur “La ferme des animaux

Ajouter un commentaire

  1. Merci François, ça ne sera peut-être pas pour noël, mais j’ajoute La Ferme des animaux à ma longue liste des oeuvres à découvrir.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Un Site WordPress.com.

Retour en haut ↑