Louis-Ferdinand Céline, Londres, Gallimard, 2022
— Par François Lechat
Bien sûr, on n’abandonne pas un livre de Céline sans hésiter, et il est fort possible que je reprenne la lecture de Londres. Mais je dois vous expliquer à la fois pourquoi ce livre est frappant et pourquoi j’ai calé après 240 pages.
Avec Guerre, dont il constitue la suite (mais on peut lire chaque livre indépendamment de l’autre), Londres est un des deux grands inédits de Céline parus en 2022 et dont les thèmes ne sont pas neufs – en particulier la Grande Guerre et l’intérêt pour la médecine. C’est, en outre, un Céline surprenant à l’égard des juifs, puisque de longs chapitres mettent en scène de façon très positive un médecin juif et sa famille. Et c’est surtout, bien sûr, un festival stylistique, qui bouscule la langue et la syntaxe et offre une foule de pépites dont il faudrait tirer une anthologie.
Pour autant, Londres demande une fameuse dose de patience. D’abord parce que le texte, conservé à l’état de brouillon, fourmille de termes argotiques ou détournés de leur sens qui contraignent le lecteur à deviner de quoi il est question (les dix pages de lexique données en fin d’ouvrage ne suffisent pas à lever tous les mystères). Ensuite parce que l’action se traîne et n’offre qu’un intérêt assez maigre : Londres met en scène des soldats français qui ont fui la guerre, qui se cachent de la police et qui gagnent leur vie en jouant les maquereaux et en se livrant à des trafics en tout genre. Si ces messieurs déambulent dans la ville et croisent des personnages secondaires hauts en couleur, on ne peut pas dire qu’on se passionne pour leur quotidien… D’autant que, et c’est un troisième motif de détachement, si l’on peut se réjouir qu’au terme du roman les femmes prennent le dessus (dixit le préfacier), elles sont allègrement exploitées, battues, violées et souillées par notre bande de malfrats, la passion qui unit le narrateur à son Angèle ne suffisant pas à sauver l’ensemble.
Par sa langue, sa puissance d’évocation et son audace, Londres vaut le détour, mais il est permis de s’arrêter en chemin.
Catégorie : Redécouvertes.
Liens : chez l’éditeur : Guerre et Londres ; l’article de Marie-Hélène Moreau sur Voyage au bout de la nuit.
Je n’ai toujours pas lu « Voyage au bout de la nuit » et « Mort à crédit ». Ils m’attendent sagement dans ma bibliothèque… Je pense pas me lancer dans d’autres romans de cet auteur. Mais je me le note si jamais je découvre que j’aime bien son style (mais avec de la méfiance quand même au regard de ton retour).
Marie-Hélène Moreau nous avait fait un article sur Voyage au bout de la nuit. Disponible ici : https://wp.me/p8OEcJ-2h0
Le style de Céline est exceptionnel. Je crois qu’on aime ou qu’on aime pas. Moi, j’adore. Je le trouve génial. Le style ! Pas le bonhomme…
Voyage au bout de la nuit est un des ouvrages qui m’a laissé la plus grande impression. Je recommande toujours d’au moins l’essayer.
Par contre, j’ai feuilleté Londres en librairie et je comprends ce qu’en dit François Lechat. On retrouve la verve incroyable de Céline, mais le sujet est atroce et, comme femme, je n’ai pas du tout envie de lire de telles horreurs.
Catherine