J’ai lu tout Antoine de Saint-Exupéry

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Série « J’ai lu tout… »
Littérature française – Hommages
Par François Lechat

À l’adolescence, j’ai lu tous les livres de Saint-Exupéry, y compris les posthumes déjà publiés à cette époque. Et c’était, je crois, un bon âge pour découvrir cet auteur que je n’ose pas relire aujourd’hui de peur d’être déçu.

J’ai relu à plusieurs reprises Le Petit Prince, cependant. Mais je n’en dirai rien ici, puisque tout le monde l’a lu et que chacun s’en fait une idée personnelle, qui varie selon les âges.

J’ai aussi lu le quatuor des romans d’aviation, publiés de 1929 à 1942 : Courrier sud, Vol de nuit, Terre des hommes, Pilote de guerre. Des titres courts, qui claquent et qui font rêver. Des aventures pleines de danger, datant d’une époque où l’aviation était synonyme de risque de mort. Un métier improbable, voler pour acheminer du courrier ou pour défendre son pays, que Saint-Exupéry donne à sentir en multipliant les détails techniques et l’évocation des périls surmontés.

Mais on devinait aussi, dès Vol de nuit, que ce qui l’intéressait était la condition humaine plutôt que les récits d’aventure, et c’est ce qui me plaisait. D’où ma prédilection pour Terre des hommes, dont le style est plus grave, limite pompeux, en phase avec les valeurs chères à l’auteur. C’est dans ce livre qu’on trouve la fameuse phrase : « Ce que j’ai fait, je te le jure, jamais aucune bête ne l’aurait fait » (Guillaumet à Saint-Ex après avoir marché des jours et nuits dans la cordillère des Andes, en plein hiver, après le crash de son avion). Et c’est là que Saint-Exupéry célèbre le mieux l’humanité, à travers un Bédouin qui sauve des Blancs dans le désert, et là aussi qu’il montre de manière saisissante comment la Terre se donne du haut d’un avion, à partir d’un lieu et d’un métier qui font voir le monde autrement.

Le reste de l’œuvre est moins connu, et posthume, si l’on excepte la Lettre à un otage. On y trouve surtout des textes courts, repris dans différents recueils, qui exposent la vision morale de l’auteur, centrée sur la dignité de l’homme. Quand je relis les passages que j’avais cochés à l’époque, je suis frappé par le caractère héroïque qui s’en dégage, l’aspiration à vivre tête haute, chargé d’une mission, voué à répondre à des appels qui nous dépassent. Certes, tout n’est pas de la même veine : les Lettres de jeunesse à une amie inventée, écrites de 1923 à 1931, sont plus légères, intimes, anecdotiques ; et les Carnets brassent tous les genres et tous les styles, réflexions, aphorismes, colères, visions politiques… Je me rappelle notamment une descente en flammes de la pièce de Pirandello, Six personnages en quête d’auteur, qui selon Saint-Ex ne propose qu’une « métaphysique de concierge »…

Mais l’essentiel, parmi les posthumes, est Citadelle, que j’ai lu, celui-ci, à plusieurs reprises. Plus de 500 pages, inachevées et en désordre, d’anecdotes, de réflexions, de paraboles…, prêtées à un chef de tribu dans le désert, qui prend sur lui le destin de sa communauté et médite à perte de vue sur les voies du bonheur et la vraie justice. C’est ringard, magnifique, obscur, à la limite du fascisme, parfaitement dépassé et trop imprégné de religiosité pour notre regard contemporain. Mais il y a des pépites, et une évidente noblesse d’âme comme dans ce passage :

« Ils trouvent les choses, disait mon père, comme les porcs trouvent les truffes. Car il est des choses à trouver. Mais elles ne te servent de rien car tu vis, toi, du sens des choses. Mais ils ne trouvent pas le sens des choses parce qu’il n’est point à trouver mais à créer. »

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Antoine de Saint-Exupéry chez Gallimard : biographie, livres.

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