Robert Goolrick, Après l’incendie, Anne Carrière, 2017
Par François Lechat.
Ce livre à la belle écriture classique présente plusieurs particularités déroutantes. D’abord quelques maladresses, rares et locales, mais étonnantes à ce niveau de style. Ensuite un choix éditorial assez curieux : faire suivre ce roman de 300 pages d’une nouvelle, Trois lamentations, qui ne manque pas d’intérêt mais n’a pas la même hauteur de vue. Mieux vaut la lire, dès lors, avant le roman, pour bien apprécier sa troisième particularité. Il se déroule sur fond d’esclavage dans le Sud des Etats-Unis, ce que le prologue souligne sans fard, mais il ne développe pas ce thème, juste effleuré par le biais d’un couple de serviteurs fort bien traités. C’est pourtant l’esclavage qui est à l’origine de la fortune de Diana Cooke, héritière d’un famille prestigieuse remontant aux Pères fondateurs des Etats-Unis, et responsable de la préservation de Saratoga, la somptueuse maison familiale que le Sud entier lui envie mais qui constitue surtout un gouffre financier. Et l’esclavage ne serait-il pas la cause du gigantesque incendie qui, sur trois jours, a fait disparaître Saratoga comme nous l’apprenons dès le prologue ?
Quel peut être le destin d’une héroïne à la Scarlett O’Hara, d’une beauté confondante comme elle, mais assez lucide, celle-ci, pour savoir que les codes d’honneur qu’elle perpétue lui font une prison et sont complices d’une violence sourde ? Comment échapper à ce destin quand on est si attaché à son père et que l’on se veut à la hauteur de sa mission, quels que soient les sacrifices qu’elle impose ? Sous la plume de Robert Goolrick, on s’identifie à Diana, à ses espoirs, ses joies et ses tourments, sans jamais oublier pourquoi nous devrions la détester, politiquement parlant. L’auteur y réussit en jouant à fond la carte du romanesque, déployant ses personnages, ses décors et ses péripéties dans un style à la fois direct et soigné, comme on n’en lit plus guère. Avec, en prime, deux formidables personnages secondaires – un restaurateur de livres à la technique étrange et une décoratrice extravagante – qui réserveront bien des surprises.
Catégorie : Littérature étrangère anglophone (USA). Traduction : Marie de Prémonville.
Liens : Le livre chez l’éditeur. Sur le même thème, traité différemment, voir Underground Railroad.
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