L’air de rien

Hanif Kureishi, L’air de rien, Christian Bourgois, 2017

Par François Lechat.

Comme le dit l’auteur, « l’amour et la turpitude sont les deux seuls sujets au monde ». Son roman donc est forcément attrayant, puisqu’il ne traite que de cela – et qu’il entend l’amour au sens affectif comme sexuel, ce qui donne du piment à son propos. De même, inspiré ou non par Kant, l’auteur note finement qu’« un saint, c’est juste quelqu’un sur qui on n’a pas assez d’informations ». Hanif Kureishi s’emploie donc à humaniser tous ses personnages, qui perdent de leur aura au fur et à mesure du récit, sans que personne, en définitive, ne sorte vainqueur du triangle amoureux (le mari, la femme, l’amant) qui constitue en l’occurrence un carré (car le mari a une amie dont l’importance ne cessera de croître). On aura compris que ce livre est né sous d’excellents auspices, surtout si j’ajoute que le mari est un cinéaste célèbre, auréolé de gloire, mais vieillissant et grabataire, toujours amoureux d’une femme plus jeune dont il ne peut satisfaire les sens : tous les ingrédients sont réunis pour écrire une farce ou une tragédie, au choix. D’où vient alors que ce livre déçoit, malgré un début prometteur ? Sans doute parce que Hanif Kureishi, auteur remarqué de My Beautiful Laundrette, il y a plus de trente ans, n’a pas trouvé le ton juste, ou n’a pas su s’y tenir. Il y a bien des pointes de farce, un peu d’outrance, des scènes surprenantes, de la légèreté – mais sur un mode assez convenu, qui n’arrache pas un réel sourire, ou rarement. Et il aurait pu y avoir de la tragédie si, précisément, les thèmes plus graves du roman n’étaient pas court-circuités par le regard vif, acide, un peu mégalomaniaque aussi, d’un anti-héros presque paralysé, qui tente de garder le contrôle d’une vie en déroute comme il pouvait diriger ses comédiens et ses techniciens sur un plateau de cinéma. En résulte une succession de scènes enlevées, mais entachées d’éléments banals ou maladroits. Et, apparemment, de fautes de traduction. Plutôt qu’un roman réussi, la base d’un excellent scénario ?

Catégorie : Littérature étrangère anglophone (Royaume-Uni). Traduction : Florence Cabaret.

Liens : chez l’éditeur.

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