Michel Houellebecq, Sérotonine, Flammarion, 2019
Par Brigitte Niquet.
Voilà déjà trois mois que Sérotonine caracole en tête des ventes. Difficile de résister à l’envie d’aller voir de quoi il retourne, surtout pour moi, fan de la première heure – ah ! Les particules élémentaires et quelques autres… – et déçue des heures suivantes, dégoûtée même depuis l’imbuvable La carte et le territoire (prix Goncourt, oui, je sais…).
J’ai donc succombé et suis au regret de dire que cette lecture ne fait que conforter mes impressions précédentes. Certes, la plume du maître n’a rien perdu de sa virtuosité et on est emporté dès le début par ce flot déferlant qui n’a guère d’équivalent parmi les écrivains actuels. L’auteur maniant comme personne l’autodérision, le lecteur s’amuse des déboires de ce dépressif chronique, de cet obsédé sexuel devenu impuissant suite à ses excès de drogues, et met quelque temps à se dire « Mais au fait, ça parle de quoi ? ». Car de contenu, il n’y a guère dans la première moitié du livre, sauf celui rabâché par l’auteur depuis des lustres et qu’on pourrait résumer par le vers de Mallarmé « La chair est triste, hélas… » ou par le fameux « Je t’aime moi non plus » de Gainsbourg, Gainsbourg période Gainsbarre avec qui il n’est pas nécessaire de souligner les affinités de l’auteur. En fait, faute d’inspiration nouvelle, tandis qu’il partage sa vie avec une Japonaise dont les déviances sexuelles l’inquiètent (sic), il se remémore les femmes qu’il a aimées, et parmi elles une certaine Camille dotée de toutes les qualités mais qui l’a largué après l’avoir surpris en galante compagnie.
Dans la deuxième partie, le ton change sans préavis. L’auteur cesse de se contempler le nombril pour s’intéresser aux problèmes du monde actuel, dont la détresse des paysans, qu’il côtoie de près via son ami d’enfance Aymeric, devenu agriculteur et au bord de la faillite. On retrouve tout le talent de l’écrivain et même une remarquable capacité à susciter l’émotion dans la description de l’affrontement entre les agriculteurs et les CRS, qui finira tragiquement : c’est un véritable morceau d’anthologie. Las, le narrateur se désintéresse assez vite de la question, ce qui en dit long sur son investissement, et retourne à ses histoires d’amour vaseuses et à sa philosophie nihiliste, fustigeant la tristesse de la vie et « l’insupportable vacuité des jours ».
Une lecture à réserver aux inconditionnels de l’auteur. Ils sont nombreux, si on en juge par le chiffre des ventes.
Catégorie : Littérature française.
Liens : chez l’éditeur.
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