La femme révélée

Gaëlle Nohant, La femme révélée, Grasset, 2020

Par Brigitte Niquet.

Ce roman pourrait donner le vertige, car tout y est double : les deux identités du personnage principal, les deux vies qu’elle mène alternativement sur deux continents différents, son double exil (géographique et affectif), le mariage étroit de la petite et de la grande histoire qui interfèrent sans cesse… Belle pâte à pétrir pour un auteur doué, et Gaëlle Nohant l’est incontestablement.

Le récit commence dans le Paris des années 50, celui de Saint-Germain-des Prés, où l’on croise Boris Vian et Juliette Greco aussi bien que le mystérieux Sam (serait-ce un espion ?) et le jazzman noir Horatio, qui tous deux joueront un rôle important auprès de l’héroïne. Celle-ci, une jeune Américaine du nom d’Eliza Donnelley, auto-rebaptisée Violet Lee, a fui Chicago et un mari apparemment bien sous tous rapports (ce sont parfois les pires), laissant là-bas le fils de quatre ans né de cette union, qu’elle adore pourtant et espère aller bientôt rechercher. Las, dix-huit ans s’écouleront avant qu’elle puisse concrétiser ce projet, dix-huit ans dont le récit épique nourrit la première partie de l’ouvrage, dix-huit ans de galère qu’elle immortalise par ses clichés car, devenue photographe, c’est le Rolleiflex en bandoulière qu’elle témoigne de son époque.

Elle quittera donc la France du pré-mai 68 pour retrouver une Amérique grandement perturbée elle aussi, puisque c’est l’époque, entre autres, de la guerre du Vietnam mais aussi des luttes des Noirs pour leurs droits, alors même que Martin Luther King vient d’être assassiné, bientôt suivi de Bob Kennedy… Un Leïca remplaçant le Rolleiflex, Violet/Eliza s’en-ira-t-en guerre de nouveau, mais il faudra encore beaucoup de temps, d’espoirs et de désespoirs, de sang et de larmes pour qu’elle cesse enfin d’être une femme « coupée en deux » et que le titre La femme révélée prenne tout son sens.

Si l’on ajoute que Gaëlle Nohant est par ailleurs dotée d’une belle écriture et d’une impressionnante culture historique et politique, et qu’elle maîtrise l’art de donner vie à une foule de personnages secondaires aussi attachants que l’héroïne elle-même, le lecteur aura compris qu’il y a « du best-seller dans l’air ».

Catégorie : Littérature française.

Liens : chez l’éditeur.

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